LEGEA LUSTRAŢIEI, LIMITAREA TEMPORARĂ A ACCESULUI LA UNELE FUNCŢII ŞI DEMNITĂŢI PUBLICE PENTRU PERSOANELE CARE AU FĂCUT PARTE DIN STRUCTURILE DE PUTERE ŞI DIN APARATUL REPRESIV AL REGIMULUI COMUNIST
Initiatori ai proiectului PL-x nr. 282/2006 au fost patru deputati și senatori, și anume, Muscă Monica Octavia, Nicolăescu Gheorghe-Eugen, Oancea Viorel, respective, Cioroianu Adrian Mihai.
Problema lustraţiei administrative şi a interdicţiei drepturilor electorale ale foştilor lideri comunişti şi ale membrilor aparatului statului totalitar comunist a fost dezbătută de Curtea Europeană a Drepturilor Omului, în speţe precum Cauza Sidabras şi Dziautas vs Lituaniei, Cauza Rainys şi Gasparavicius vs Lituaniei, Cauza Zdanoka vs Letoniei şi Cauza Janis Adamsons vs Letoniei. În aceste cauze, Curtea, analizând interdicţiile adoptate de aceste state ale fostului bloc comunist, interdicţii similare celor cuprinse în Legea lustraţiei, a constatat incompatibilitatea acestora cu prevederile convenţionale menţionate, prin încălcarea cerinţelor de proporţionalitate ce se impun respectate ori de câte ori se aduce o restrângere a drepturilor prevăzute de Convenţie. Astfel, adoptarea tardivă a legii, la peste 21 de ani de la căderea comunismului, nu este proporţională cu scopurile legitime pe care se presupune că le urmăreşte.
Referitor la violarea art. 3 din Protocolul nr. 1 la Convenţie, având în vedere contextul istoric şi social special în care se găseşte statul pârât, Curtea Europeană a Drepturilor Omului apreciază că, în primii ani de după declararea independenţei statului pârât, puteau fi aplicate importante restrângeri ale drepturilor electorale, fără a se încălca art. 3 din Protocolul nr. 1 la Convenţie. Totuşi, prin trecerea timpului, o simplă suspiciune generală cu privire la un anumit grup de persoane nu mai este suficientă pentru aplicarea unor asemenea restrângeri, iar autorităţile au obligaţia de a duce argumente convingătoare şi elemente de probă suplimentare pentru a justifica măsura litigioasă ( CEDO, Cameră, Hotărârea din 24 iunie 2008, Cauza Adamsons vs Letoniei, publicată și în “Curierul Judiciar” nr. 9/2008, pp. 60 – 61).
II. SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DU PROTOCOLE No 1
95. Le requérant se plaint que sa radiation de la liste électorale et son inéligibilité ont enfreint l’article 3 du Protocole no 1, ainsi libellé :
« Les Hautes Parties contractantes s’engagent à organiser, à des intervalles raisonnables, des élections libres au scrutin secret, dans les conditions qui assurent la libre expression de l’opinion du peuple sur le choix du corps législatif. »
A. Arguments des parties
1. Le Gouvernement
96. Le Gouvernement souligne, à titre liminaire, que la présente affaire s’inscrit dans le contexte plus large du processus de lustration qui a eu lieu dans tous les Etats postcommunistes d’Europe centrale et orientale après leur retour à la démocratie (et, dans le cas des Etats baltes, après la restauration de leur indépendance). Dans les Etats baltes, ce processus s’est déroulé d’une manière différente de celle suivie, par exemple, en République tchèque, en Allemagne, en Hongrie ou en Pologne. En effet, entre 1940 et 1990, le territoire letton était incorporé dans l’URSS, et tous les services secrets, les chaînes d’information et les structures de commandement étaient ceux de l’URSS. Bien que l’indépendance de la Lettonie ait été complètement rétablie en 1991, les troupes russes y sont restées stationnées jusqu’en 1994 (voir Ždanoka, précité, § 131). Ce n’est qu’après le retrait de ces troupes que les autorités lettonnes ont pu accéder aux archives locales de l’armée et du KGB et prendre connaissance des informations qu’elles contenaient – mais seulement en partie puisque ces archives avaient pour la plupart été transférées en Russie. Quant aux autorités compétentes de la Fédération de Russie – qui, selon le Gouvernement, est l’Etat successeur de l’ex-URSS –, elles ont fait preuve d’une grande réticence dans la coopération avec leurs homologues lettons. Par conséquent, en Lettonie, le processus de lustration a exigé beaucoup plus de temps que dans la plupart des pays d’Europe centrale.
97. Selon le Gouvernement, le cas particulier de M. Ādamsons doit être examiné à la lumière du contexte général décrit ci-dessus. Si la procédure de constat de collaboration avec le KGB n’a commencé qu’en 1998, soit six ans après le retour du requérant en Lettonie, c’était pour des raisons objectives : premièrement, parce que le cadre normatif et institutionnel de la lustration n’était pas encore achevé au début des années 90 et, deuxièmement, parce que les autorités lettonnes ont eu certaines difficultés pour obtenir toutes les informations pertinentes concernant le passé du requérant.
98. Le Gouvernement soutient ensuite que le requérant a bel et bien été un « agent du KGB » au sens de l’article 5 § 5 de la loi sur les élections législatives, que ce fait a été établi par le tribunal de l’arrondissement de Zemgale dans son jugement du 3 mars 2000, et que cette qualification ne contredit nullement le dessein qu’a eu le législateur en adoptant le paragraphe précité. Bien au contraire, une telle interprétation cadre parfaitement avec l’esprit de cette disposition et ce, tant du point de vue général que du point de vue particulier de M. Ādamsons. Sur le plan général, le Gouvernement rappelle que le KGB était l’organe principal de sûreté publique de l’ex-URSS, qualifié officiellement de « tchékiste », qui était chargé de défendre les intérêts politiques et idéologiques du régime totalitaire communiste en réprimant toute dissidence et en persécutant les opposants à ce régime. De plus, tous les agents du KGB – y compris ceux enrôlés dans les Forces garde-frontières – étaient sélectionnés parmi les personnes les plus dévouées au système politique en place. Or, cela est d’autant plus vrai dans le cas particulier du requérant. En effet, il appert qu’il a passé onze ans au service des Forces garde-frontières du KGB et que les tâches qui lui avaient été assignées étaient essentiellement liées soit à la mission spécifiquement politique du KGB, soit aux renseignements militaires. Bref, le requérant a été un « agent du KGB » au sens que le législateur a voulu donner à cette expression.
99. Le Gouvernement n’accorde pas de poids à l’avis de la commission des mandats et des requêtes du Parlement du 11 avril 2000 qui va dans le sens contraire à celui qu’il suggère. Selon lui, seuls les tribunaux sont compétents pour interpréter la loi avec autorité. En l’occurrence, le seul texte pertinent est le jugement du tribunal de l’arrondissement de Zemgale du 3 mars 2000 dont, selon le Gouvernement, il ressort clairement que le requérant a été un « agent du KGB ». Une fois passé en force de chose jugée, ce jugement a « sérieusement affaibli la validité du mandat parlementaire du requérant ». Puisque ce dernier n’a pas voulu faire preuve de « bonne foi » en démissionnant de lui-même, la question a été soumise à l’assemblée plénière du Parlement. Cette dernière ayant également refusé d’exclure le requérant, il n’y avait plus aucun moyen de le contraindre à abandonner son mandat, et il a donc fallu attendre les élections suivantes pour l’écarter de la législature.
100. Le Gouvernement rappelle ensuite que, selon la jurisprudence constante de la Cour, une restriction apportée aux droits électoraux est conforme à l’article 3 du Protocole no 1 lorsqu’elle ne réduit pas les droits dont il s’agit au point de les atteindre dans leur substance même et de les priver de leur effectivité, qu’elle poursuit un but légitime et que les moyens employés ne se révèlent pas disproportionnés à ce but. Or, vu la large marge d’appréciation dont jouissent les États contractants en la matière, l’inéligibilité du requérant dans la présente affaire se révèle justifiée.
101. En premier lieu, on ne saurait dire que l’ingérence dénoncée a atteint les droits électoraux « dans leur substance même », puisqu’elle est provisoire. Cette conclusion se trouve également confirmée par le fait que la loi sur les élections européennes ne contient pas de restriction similaire. En tout état de cause, le Gouvernement rappelle que, dans son arrêt du 30 août 2000, la Cour constitutionnelle a enjoint au législateur de « procéder à un examen périodique de la situation politique de l’État ainsi que de la nécessité et du bien-fondé des restrictions (…), puisque [celles-ci] ne peuvent être imposées que pendant une période déterminée » (paragraphe 75 ci-dessus). Or, le Parlement a justement suivi cette indication à plusieurs reprises, en réexaminant régulièrement le bien-fondé du paragraphe 5 litigieux. Quant au conseil des ministres, il s’est conformé au nouveau paragraphe 7 des dispositions transitoires de la loi de lustration du 19 mai 1994 en effectuant une analyse complète des dispositions pertinentes et en remettant son rapport analytique au Parlement (paragraphe 73 ci-dessus). Par ailleurs, dans son arrêt du 15 juin 2006, la Cour constitutionnelle a jugé que les restrictions litigieuses étaient encore justifiées (paragraphe 82 ci-dessus). Au demeurant, la politique normative du Parlement étant sur ce point « dynamique et progressive », la restriction en cause sera tôt ou tard abolie.
102. En deuxième lieu, le Gouvernement considère que l’ingérence critiquée poursuit des buts incontestablement légitimes, à savoir la protection de la sécurité nationale et celle du droit des autres à une démocratie politique effective. A cet égard, le Gouvernement avance deux motifs. Premièrement, il fait valoir que l’État est en principe fondé à prendre des mesures en vue de protéger le système démocratique contre les individus susceptibles de mettre en péril son fonctionnement, ou tout simplement d’écarter des postes politiques et administratifs d’un État démocratique les personnes qui ne sont pas moralement qualifiées pour les occuper. Or, en l’espèce, le requérant a été l’agent d’un organe de sûreté d’un régime totalitaire ; de plus, sa carrière au sein de cet organe s’est déroulée en Extrême-Orient, région stratégiquement très importante car proche des grandes puissances mondiales que sont les États-Unis, la Chine et le Japon. Deuxièmement, le Gouvernement rappelle encore une fois que la Lettonie n’a pas pu récupérer une grande partie des archives du KGB qui décrivent les tâches précises de certains ex-agents de cet organe. Or, cela rend ces personnes vulnérables et les expose au chantage et à la manipulation. Au demeurant, aussi importante soit-elle, l’adhésion de la Lettonie à l’Union européenne et à l’OTAN en 2004 ne suffit pas en elle-même à protéger l’État contre toutes les atteintes d’ordre individuel.
103. En troisième lieu, le Gouvernement argüe que l’ingérence en cause est proportionnée aux buts légitimes poursuivis. A cet égard, il rappelle que la Lettonie n’a pratiquement pas appliqué de sanctions pénales à l’égard des anciens collaborateurs du KGB, se contentant de mesures plus modérées telle l’inéligibilité au Parlement national. Or, à la lumière du principe d’une « démocratie apte à se défendre » – admis par la Cour – une telle mesure apparaît justifiée, un ancien collaborateur du KGB ne pouvant, par définition, être considéré comme loyal envers la République de Lettonie.
104. En tout état de cause, la radiation d’un candidat de la liste électorale ne peut être effectuée qu’en suivant une approche strictement individuelle, sur la base d’un jugement passé en force de chose jugée et constatant la collaboration avec le KGB. Pareil jugement est rendu à la suite d’un procès contradictoire respectant les droits de la défense et permettant d’éviter l’arbitraire. Qui plus est, le tribunal compétent évalue toujours la nature et le degré de collaboration de l’intéressé afin de trancher la question de savoir s’il peut être qualifié d’« agent », au sens du paragraphe 5 litigieux. En l’occurrence, c’est exactement ce que le tribunal de l’arrondissement de Zemgale a décidé dans son jugement du 3 mars 2000.
2. Le requérant
105. Le requérant combat les arguments du Gouvernement. Il ne nie pas la subordination formelle des Forces garde-frontières soviétiques au KGB mais estime que, par sa nature et ses fonctions, ce corps devait être assimilé à l’armée régulière et non à un service de sûreté. Pour ce qui est des obligations individuelles auxquelles il était soumis à l’époque en question, le requérant fournit une copie de l’arrêté du commandant des Forces garde-frontières du KGB relatif au service des vaisseaux des gardes-frontières, dont il ressort que ces vaisseaux étaient affectés aux tâches habituellement exercées par les unités garde-frontières de la marine. De même, le requérant n’a jamais fait partie des agents de la « division spéciale » subordonnée à la direction générale du contre-espionnage militaire du KGB.
106. En tout état de cause, selon le requérant, le Gouvernement n’a pas démontré que, pendant sa carrière militaire, il ait exercé des tâches caractéristiques de renseignements ou de contre-espionnage comme, par exemple, le recrutement d’agents secrets ou le contrôle des lieux de réunion de conspirateurs. Par conséquent, il ne peut en aucun cas être qualifié d’ancien « agent du KGB » au sens que le législateur a voulu donner à l’article 5 § 5 de la loi sur les élections législatives. Au demeurant, c’est exactement ce que la commission des mandats et des requêtes a dit dans son avis du 11 avril 2000.
107. Pour ce qui est du fond du grief, le requérant estime que son inéligibilité est manifestement injustifiée, puisqu’il s’agit en l’espèce d’un simple règlement de comptes. Selon lui, la place des Forces garde-frontières dans le système institutionnel de l’URSS a toujours été un fait notoirement connu, de même que sa carrière militaire au sein de ces forces. Depuis son retour en Lettonie en 1992, tant les autorités lettonnes que le grand public étaient parfaitement au courant de son passé, qu’il n’a jamais caché. Qui plus est, des dizaines d’articles de presse et d’émissions télévisées des années 90 vantaient ses exploits dans le Pacifique, le présentant comme un « capitaine courageux ». En toute hypothèse, tant qu’il est demeuré favorable au gouvernement en place, son passé notoirement connu ne l’a nullement empêché d’occuper les postes les plus élevés dans la Lettonie indépendante (vice-commandant de la marine nationale, commandant en chef des Forces garde-frontières, ministre de l’Intérieur).
108. Le requérant souligne que, pour lui, la situation n’a changé qu’après qu’il eut quitté la coalition gouvernementale et rejoint les rangs de l’opposition. Plus précisément, les premières tentatives tendant à le rendre inéligible en « constatant sa collaboration avec le KGB » ont débuté en 1998 alors que, vice-président d’une commission d’enquête chargée entre autres d’instruire des actes éventuels de corruption dans les milieux gouvernementaux, il avait publiquement critiqué plusieurs hauts responsables de l’Etat et que certains d’entre eux avaient dû démissionner pour cette raison.
109. Pour ce qui est de l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 15 juin 2006, le requérant n’estime pas qu’il soit vraiment pertinent dans son affaire. Au demeurant, la haute juridiction, qui a reconnu que la restriction litigieuse était disproportionnée à l’égard de J.B. en raison de ses mérites envers la nation, aurait dû suivre la même approche à son égard, puisque ses propres mérites ne sont pas moindres (restauration des infrastructures frontalières, lutte contre la criminalité organisée, etc.). Cependant, l’attitude de la Cour constitutionnelle à son égard a été différente (paragraphe 50 ci-dessus), pour des raisons qu’il ignore.
110. Enfin, le requérant considère que l’attitude des autorités lettonnes à son égard a été pour le moins incohérente et équivoque. A ce propos, il rappelle qu’avant les élections européennes de 2004, il a officiellement déclaré qu’il n’avait jamais été « agent du KGB ». Or, la Commission électorale centrale a accepté cette déclaration sans aucune objection alors que, deux ans auparavant, elle l’avait radié de sa liste précisément parce qu’il avait été considéré comme un tel agent.
B. Appréciation de la Cour
1. Les principes généraux
111. Les principes fondamentaux pertinents en l’espèce, tels qu’ils ont été définis par la jurisprudence constante de la Cour (voir notamment Hirst c. Royaume-Uni (no 2) [GC], no 74025/01, §§ 57-62, CEDH 2005-…, et Ždanoka, précité, § 115), sont les suivants :
a) L’article 3 du Protocole no 1 s’apparente à d’autres dispositions de la Convention protégeant divers droits civiques et politiques tels que, par exemple, l’article 10, qui garantit le droit à la liberté d’expression, ou l’article 11, qui consacre le droit à la liberté d’association. Il existe indéniablement un lien entre toutes ces dispositions, à savoir la nécessité de garantir le respect du pluralisme d’opinions dans une société démocratique par l’exercice des libertés civiques et politiques. De plus, la Convention et ses Protocoles doivent être considérés comme un tout. Cependant, lorsqu’une atteinte à l’article 3 du Protocole no 1 est en cause, la Cour ne doit pas automatiquement avoir recours aux mêmes critères que ceux qui sont appliqués pour les ingérences autorisées par le paragraphe 2 des articles 8 à 11 de la Convention, ni ne doit systématiquement fonder ses conclusions au regard de l’article 3 du Protocole no 1 sur les principes découlant de l’application des articles 8 à 11 de la Convention. Etant donné l’importance de l’article 3 du Protocole no 1 pour le système institutionnel de l’Etat, cette disposition est rédigée en des termes très différents de ceux des articles 8 à 11. L’article 3 du Protocole no 1 est libellé en termes collectifs et généraux, bien que cette disposition ait été interprétée par la Cour comme impliquant également des droits individuels spécifiques. Les normes à appliquer pour établir la conformité à l’article 3 du Protocole no 1 doivent donc être considérées comme moins strictes que celles qui sont appliquées sur le terrain des articles 8 à 11 de la Convention.
b) La notion de « limitation implicite » qui se dégage de l’article 3 du Protocole no 1 revêt une importance majeure quand il s’agit de déterminer la légitimité des buts poursuivis par les restrictions aux droits garantis par cette disposition. Etant donné que l’article 3 n’est pas limité par une liste précise de « buts légitimes », tels que ceux qui sont énumérés aux articles 8 à 11, les Etats contractants peuvent donc librement se fonder sur un but qui ne figure pas dans cette liste pour justifier une restriction, sous réserve que la compatibilité de ce but avec le principe de la prééminence du droit et les objectifs généraux de la Convention soit démontrée dans les circonstances particulières d’une affaire donnée.
c) La notion de « limitation implicite » signifie également que la Cour n’applique pas les critères traditionnels de « nécessité » ou de « besoin social impérieux » qui sont utilisés dans le cadre des articles 8 à 11. Lorsqu’elle a à connaître de questions de conformité à l’article 3 du Protocole no 1, la Cour s’attache essentiellement à deux critères : elle recherche d’une part s’il y a eu arbitraire ou manque de proportionnalité, et d’autre part si la restriction a porté atteinte à la libre expression de l’opinion du peuple. Ce faisant, elle réaffirme alors toujours l’ample marge d’appréciation dont jouissent les Etats contractants. De plus, elle souligne la nécessité d’apprécier toute législation électorale à la lumière de l’évolution politique du pays concerné, ce qui implique que des caractéristiques inacceptables dans le cadre d’un système peuvent se justifier dans le contexte d’un autre.
d) La nécessité qu’une mesure législative prétendument contraire à la Convention soit individualisée et le degré d’individualisation requis le cas échéant par celle-ci dépendent des circonstances de chaque affaire particulière, c’est-à-dire de la nature, du type, de la durée et des conséquences de la restriction légale litigieuse. Pour qu’une mesure de restriction soit conforme à l’article 3 du Protocole no 1, il peut suffire d’un moindre degré d’individualisation que dans les situations concernant un manquement allégué aux articles 8 à 11 de la Convention.
e) Quant au droit de se présenter aux élections, c’est-à-dire l’aspect « passif » des droits garantis par l’article 3 du Protocole no 1, la Cour se montre encore plus prudente dans son appréciation des restrictions dans ce contexte que lorsqu’elle est appelée à examiner des restrictions au droit de vote, c’est-à-dire l’élément « actif » des droits garantis par l’article 3 du Protocole no 1. En effet, le droit de se présenter aux élections législatives peut être encadré par des exigences plus strictes que le droit de vote. Par conséquent, alors que le critère relatif à l’aspect « actif » de l’article 3 du Protocole no 1 implique d’ordinaire une appréciation plus large de la proportionnalité des dispositions légales privant une personne ou un groupe de personnes du droit de vote, la démarche adoptée par la Cour quant à l’aspect « passif » de cette disposition se limite pour l’essentiel à vérifier l’absence d’arbitraire dans les procédures internes conduisant à priver un individu de l’éligibilité.
112. La Cour a également jugé que le critère de loyauté politique qui, selon sa jurisprudence constante, peut être appliqué à des fonctionnaires, n’est guère ou pas pertinent lorsqu’il s’agit des candidats à la députation. En effet, le critère de « neutralité politique » ne saurait s’appliquer à des députés de la même façon qu’à d’autres agents de l’Etat, les premiers, par définition, ne pouvant pas être « politiquement neutres » (ibidem, § 117).
2. L’affaire Ždanoka
113. Dans l’affaire Ždanoka précitée, la Cour a examiné le grief de la requérante, ancienne militante du Parti communiste de Lettonie (en abrégé « PCL », en fait l’émanation locale du PCUS), qui y était restée active après la tentative de coup d’Etat orchestrée et soutenue par ce parti en janvier 1991. De ce fait, elle tombait sous le coup de l’article 5 § 6 de la loi de 1995 sur les élections législatives, qui rendait inéligible toute personne « ayant activement participé, après le 13 janvier 1991, aux activités du PCUS (PCL) » et de certaines autres organisations considérées comme anticonstitutionnelles (paragraphe 70 ci-dessus).
114. Dans son arrêt du 16 mars 2006, la Cour a commencé par établir que la restriction litigieuse poursuivait des buts compatibles avec le principe de la prééminence du droit et les objectifs généraux de la Convention, à savoir la protection de l’indépendance de l’Etat, de l’ordre démocratique et de la sécurité nationale (ibidem, § 118). Quant à la proportionnalité de cette restriction, la Cour l’a analysée à la lumière des principes généraux énoncés ci-dessus et est parvenue aux conclusions suivantes.
a) La restriction litigieuse, énoncée au paragraphe 6 précité, devait s’apprécier compte tenu de son contexte politico-historique très spécifique, directement lié à l’annexion forcée et illégale des Etats baltes par l’Union soviétique, au régime totalitaire qui s’était ensuivi, aux deux tentatives avortées de coup d’Etat qui avaient eu lieu en janvier et en août 1991 et qui avaient pour cible tant la démocratie que les structures indépendantes de l’Etat letton nouvellement rétabli et, enfin et surtout, au rôle central du PCUS (PCL) dans tous ces événements (ibidem, §§ 119-121).
b) La disposition litigieuse n’avait pas pour objet principal de sanctionner les personnes concernées, mais plutôt de protéger l’intégrité du processus démocratique en excluant des travaux d’un corps législatif démocratique ceux qui avaient joué un rôle actif et dirigeant dans une organisation directement impliquée dans la tentative de renversement par la violence du régime démocratique nouvellement rétabli. Si pareille restriction ne pouvait guère être admise dans le contexte d’un système politique démocratique existant depuis des dizaines d’années voire plusieurs siècles, elle pouvait néanmoins être jugée acceptable en Lettonie, compte tenu de la menace que représentait pour le nouvel ordre démocratique la résurgence d’idées qui risquaient de conduire à la restauration d’un régime totalitaire si on les laissait gagner du terrain. Dans ces conditions, il importait peu de savoir si le PCL devait être considéré comme légal ou illégal après le 13 janvier 1991 (ibidem, §§ 122, 130 et 133).
c) Le comportement actuel ou récent de l’intéressée n’était pas à prendre en considération, étant donné que la mesure litigieuse était liée uniquement à ses prises de position politiques pendant la période cruciale de la lutte pour « la démocratie par l’indépendance » que la Lettonie avait connue en 1991 (ibidem, § 132).
d) Le fait que la mesure dénoncée eût été introduite en 1995, et non immédiatement après le rétablissement de l’indépendance, n’était pas décisif. En effet, il n’était pas surprenant qu’un corps législatif démocratique nouvellement établi, se trouvant dans une phase de tourmente politique, ait eu besoin d’un temps de réflexion pour examiner quelles mesures il lui fallait envisager pour accomplir sa mission. Cela valait d’autant plus dans le cas de la Lettonie, sur le territoire de laquelle des troupes d’une puissance étrangère, la Russie, étaient restées stationnées jusqu’en 1994 (ibidem, § 131).
e) Dans des circonstances telles que celles de cette affaire, les actes d’un parti pouvaient raisonnablement être imputés à ses membres, particulièrement à ses chefs de file, à moins que ceux-ci ne s’en distanciassent. Par conséquent, le corps législatif pouvait raisonnablement présumer que les principaux dirigeants du PCL avaient une position antidémocratique, sauf s’ils avaient renversé cette présomption par des actes concrets. Or, Mme Ždanoka n’avait formulé aucune déclaration indiquant qu’elle se démarquait du Parti communiste lors des événements cruciaux de 1991 ou plus tard (ibidem, § 123).
f) L’article 3 du Protocole no 1 n’exclut pas que le législateur définisse clairement et précisément la portée et les modalités d’application d’une mesure de restriction, les tribunaux ordinaires ayant seulement pour tâche de vérifier si une personne en particulier relève de la catégorie ou du groupe visés par la mesure législative en question. Dans un tel cas, la tâche de la Cour consiste essentiellement à apprécier si, au regard de cette disposition, la mesure adoptée par le Parlement est proportionnée, et non à la juger fautive uniquement au motif que les juridictions internes n’avaient pas le pouvoir d’en « individualiser pleinement » l’application à la lumière de la situation et des circonstances particulières de la personne concernée. Dans cette affaire, Mme Ždanoka avait bénéficié d’une procédure contradictoire et dépourvue de toute apparence d’arbitraire par laquelle les tribunaux internes avaient établi qu’elle relevait de la catégorie litigieuse définie par la loi. Par ailleurs, dans ce type de procédure, les intéressés pouvaient ne pas bénéficier des mêmes garanties que celles qu’offre un procès pénal ; ainsi, il se pouvait que les doutes soient interprétés en leur défaveur, que la charge de la preuve soit déplacée sur eux, et que les apparences passent pour revêtir de l’importance. Or, c’était exactement le cas de Mme Ždanoka, qui n’avait pas réussi à réfuter le caractère probant des apparences pesant contre elle (ibidem, §§ 124-128).
115. Par ces motifs, la Cour a conclu que la Lettonie n’avait pas excédé sa marge d’appréciation au regard de l’article 3 du Protocole no 1 et que cette disposition n’avait donc pas été violée. Toutefois, vu le degré de stabilité renforcé dont jouissait la Lettonie du fait notamment de son intégration pleine et entière dans l’ensemble européen, la Cour a exhorté le législateur letton à assurer un suivi constant sur la restriction en cause en vue d’y mettre un terme à bref délai, faute de quoi la Cour pourrait revenir sur sa conclusion (ibidem, §§ 134-136).
3. La présente affaire
116. La Cour rappelle qu’elle a déjà examiné des affaires concernant les procédures de lustration telles qu’elles existent actuellement dans un certain nombre de pays de l’Europe centrale et orientale. Elle tient à souligner que, pour être compatibles avec la Convention, une telle procédure doit remplir un certain nombre de conditions. Ainsi, en premier lieu, une loi de lustration doit remplir les exigences fondamentales d’accessibilité et de prévisibilité, inhérentes à la notion de « légalité » telle qu’elle figure dans la Convention (voir, mutatis mutandis, Rotaru c. Roumanie [GC], no 28341/95, § 52, CEDH 2000-V). En deuxième lieu, une procédure de lustration ne doit pas exclusivement servir des fins de châtiment ou de vengeance, la punition des personnes coupables relevant en premier lieu du domaine du droit pénal (voir, mutatis mutandis, Ždanoka, précité, § 129). En troisième lieu, lorsqu’une loi nationale prévoit une restriction des droits garantis par la Convention, elle doit être suffisamment précise pour pouvoir individualiser la responsabilité de chacune des personnes concernées et contenir les garanties procédurales adéquates (voir, mutatis mutandis, Turek c. Slovaquie, no 57986/00, § 115, CEDH 2006-… (extraits), et Matyjek c. Pologne, no 38184/03, § 62, CEDH 2007-…). Enfin, les autorités nationales doivent garder à l’esprit que, les mesures de lustration étant, par leur nature, temporaires, la nécessité objective d’une restriction des droits individuels résultant d’une telle procédure décroît avec le temps.
a) Légalité
117. La Cour constate d’emblée qu’à la différence de Mme Ždanoka, M. Ādamsons a été écarté des élections en application d’une autre disposition du même article 5 de la loi sur les élections législatives, à savoir le paragraphe 5, qui rend inéligibles toutes les personnes « qui sont ou ont été agents des organes de sûreté publique, de renseignements ou de contre-espionnage de l’URSS, de la RSS de Lettonie ou d’un Etat étranger ». L’applicabilité de cette disposition au requérant fait l’objet d’une controverse entre les parties. Le Gouvernement affirme qu’à cause de la subordination structurelle et fonctionnelle des Forces garde-frontières de l’ex-URSS au KGB, le requérant doit être considéré comme un « ancien agent du KGB » au sens du paragraphe 5 précité. Le requérant soutient en revanche que, eu égard aux tâches concrètes qu’il a exercées au sein des Forces garde-frontières, qui n’étaient pas liées à l’espionnage ou au contre-espionnage, il ne peut pas tomber sous le coup de ce paragraphe tel que le législateur l’a conçu. A cet égard, la Cour constate que les parties font une lecture divergente du jugement du tribunal de l’arrondissement de Zemgale du 3 mars 2000. Selon le requérant, le tribunal a déclaré qu’il avait été un « agent (…) des Forces garde-frontières du [KGB] », et non un « agent du KGB », et la commission des mandats et des requêtes du Parlement a visiblement soutenu cette distinction dans son avis du 11 avril 2000. Pour le Gouvernement, au contraire, cette distinction n’existe pas.
118. La Cour rappelle que tant l’établissement des faits de la cause que l’interprétation du droit interne relèvent 6en principe de la seule compétence des juridictions nationales. Dès lors, sauf dans les cas d’un arbitraire évident, elle n’est pas compétente pour mettre en cause l’interprétation de la législation interne par ces juridictions (voir, par exemple, García Ruiz c. Espagne [GC], no 30544/96, §§ 28-29, CEDH 1999-I). De même, sur ce point, il ne lui appartient pas de comparer les diverses décisions rendues par des tribunaux nationaux – même dans des litiges de prime abord voisins ou connexes –, sauf s’il s’agit d’un déni de justice ou d’un abus manifeste (voir Engel et autres c. Pays-Bas, arrêt du 8 juin 1976, série A no 22, p. 42, § 103, et Harlanova c. Lettonie (déc.), no 57313/00, 3 avril 2003).
119. En l’occurrence, dans le dispositif de son jugement du 3 mars 2000, le tribunal de l’arrondissement de Zemgale a utilisé une formule dont le texte diffère de celle requise par le parquet et de celle figurant dans l’article 5 § 5 de la loi sur les élections législatives. Le tribunal n’ayant pas précisé la différence entre un « agent des Forces garde-frontières du KGB » et un « agent du KGB », le requérant pouvait raisonnablement considérer que la conclusion du tribunal lui était favorable (paragraphe 92 ci-dessus). Cela étant, dans son arrêt définitif du 9 septembre 2002 confirmant le rejet du recours du requérant contre sa radiation de sa liste électorale, le sénat de la Cour suprême a refusé d’opérer la distinction défendue par le requérant, et a reconnu par là-même l’applicabilité du paragraphe 5 à son égard (paragraphe 48 ci-dessus). De l’avis de la Cour, sur ce point, l’arrêt apparaît suffisamment motivé, et la Cour ne voit rien d’arbitraire dans ses conclusions.
b) Buts légitimes
120. S’agissant des buts poursuivis par la mesure litigieuse, la Cour doit tenir compte de la situation qu’a connue la Lettonie sous la férule soviétique, et qui a pris fin avec la déclaration d’indépendance en 1990. Nul ne conteste que le KGB, l’organe principal de sécurité étatique de l’ex-URSS, jouait un rôle actif dans le maintien du régime totalitaire et dans la lutte contre toute opposition politique à ce régime (voir, mutatis mutandis, Domalewski c. Pologne (déc.), no 34610/97, CEDH 1999-V), et que ses activités étaient contraires aux principes garantis par la Constitution lettonne et d’ailleurs par la Convention. Il est facile à comprendre que la Lettonie ait souhaité éviter de réitérer son expérience passée en fondant son Etat notamment sur la conviction que ce devait être une démocratie capable de se défendre par elle-même (voir Sidabras et Džiautas c. Lituanie, nos 55480/00 et 59330/00, § 54, CEDH 2004-VIII). La Cour juge donc que la mesure litigieuse poursuivait des buts compatibles avec le principe de la prééminence du droit et les objectifs généraux de la Convention, à savoir la protection de l’indépendance de l’Etat, de son ordre démocratique, de son système institutionnel et de sa sécurité nationale.
c) Proportionnalité
121. Reste la question de la proportionnalité de la mesure critiquée. Comme la Cour l’a déjà rappelé, pour qu’une mesure législative soit conforme à l’article 3 du Protocole no 1, il peut suffire d’un moindre degré d’individualisation que sur le terrain des articles 8 à 11 de la Convention. Toutefois, la Cour n’a jamais eu l’intention d’abolir cette exigence d’individualisation en tant que telle, bien que son étendue dépende largement des circonstances de chaque affaire particulière (voir, par exemple, Hirst (no 2), précité, § 82). En outre, la Cour ne peut que réaffirmer la règle fondamentale selon laquelle, lorsqu’un organe national prend une décision affectant l’éligibilité d’un citoyen, le pouvoir autonome d’appréciation de cet organe ne doit jamais être exorbitant ; il doit être, à un niveau suffisant de précision, circonscrit par les dispositions du droit interne (voir Podkolzina c. Lettonie, no 46726/99, § 35, CEDH 2002-II).
122. La Cour garde à l’esprit le contexte socio-historique particulier dans lequel s’inscrit la présente affaire. Elle tient à rappeler que, pendant près d’un demi-siècle, la Lettonie a été annexée par l’Union soviétique et a vécu sous un régime totalitaire communiste (voir Ždanoka, précité, §§ 12-18). Or, dans un Etat totalitaire qui, par définition, tend à investir et à contrôler tous les domaines de la vie, il est très difficile, sinon impossible, d’échapper à l’emprise du régime. Dès lors, tous ceux qui ne choisissaient pas la voie de la résistance – et il s’agissait de toute évidence de la majorité absolue de la population – étaient amenés, d’une manière ou d’une autre, à participer à la vie publique contrôlée par les autorités en place. Par conséquent, lorsqu’elle applique le critère de proportionnalité dans des affaires similaires à l’espèce, la Cour ne peut pas adopter une approche uniforme dans tous les cas.
123. De même, la Cour peut admettre – comme elle l’a fait dans l’affaire Ždanoka –, qu’au cours des premières années qui ont suivi le rétablissement de l’indépendance de la Lettonie, d’importantes restrictions pouvaient être appliquées aux droits électoraux sans pour autant enfreindre l’article 3 du Protocole no 1 (paragraphe 114 d) ci-dessus). Toutefois, au fil du temps, une simple suspicion générale à l’égard d’un groupe de personnes ne suffisait plus, et les autorités devaient apporter des arguments et des éléments de preuve supplémentaires pour justifier la mesure litigieuse.
124. Aux yeux de la Cour, la présente affaire est fondamentalement différente de l’affaire Ždanoka. En effet, Mme Ždanoka s’est vu appliquer le paragraphe 6, lequel vise les personnes « qui ont activement participé, après le 13 janvier 1991, aux activités du PCUS (PCL) ». Le législateur avait donc clairement et précisément défini la catégorie des personnes inéligibles. Premièrement, il avait posé comme critère une « participation active » qui devait se comprendre dans son sens dynamique, par opposition à une appartenance purement formelle ; cette interprétation avait été expressément confirmée par la Cour constitutionnelle. Deuxièmement, le législateur avait fixé une date – en l’espèce, celle de la première tentative avortée de coup d’Etat –, après laquelle le fait de militer au PCL ne pouvait que traduire un mépris des valeurs démocratiques. Il s’agissait donc d’un groupe restreint de personnes à l’égard duquel une mesure d’inéligibilité n’était pas en soi contraire aux principes généraux de l’article 3 du Protocole no 1. Dans ces circonstances, il était tout à fait raisonnable de ne laisser aux tribunaux que le soin de déterminer, du point de vue factuel, si l’intéressée appartenait ou non au groupe en question.
125. S’agissant du paragraphe 5 du même article 5, appliqué en l’espèce, la Cour note qu’il vise les anciens « agents » du KGB. Eu égard à la diversité des fonctions de cet organe, la Cour considère que cette notion est, en tant que telle, trop large ; interprétée littéralement, elle peut être comprise comme englobant toute personne ayant été au service du KGB, sans tenir compte de l’époque, des tâches concrètes qui avaient été assignées à la personne et de son comportement individuel. La Cour constitutionnelle a d’ailleurs expressément relevé ce problème dans son arrêt du 15 juin 2006 lorsqu’elle a fait remarquer que le paragraphe litigieux « s’appliqu[ait] tant aux personnes ayant activement œuvré contre les valeurs d’un Etat démocratique qu’aux personnes ayant accompli des devoirs politiquement neutres et à celles ayant activement lutté pour le rétablissement des valeurs démocratiques ». Dans ces circonstances, il ne suffit plus, comme dans l’affaire Ždanoka, de se limiter à constater que l’intéressé appartenait au groupe donné. Puisque ce groupe est défini d’une manière trop générale, une restriction des droits électoraux de ses membres doit suivre une approche individualisée permettant de tenir compte de leur comportement réel (pour des exemples d’une telle individualisation dans le cas des fonctionnaires, voir Petersen c. Allemagne (déc.), no 39793/98, CEDH 2001-XII, et Volkmer c. Allemagne (déc.) no 39799/98, 22 novembre 2001). Aux yeux de la Cour, la nécessité de cette individualisation devient de plus en plus importante avec le passage du temps, dans la mesure où l’on s’éloigne de l’époque où les agissements litigieux sont présumés avoir eu lieu.
126. A cet égard, la Cour note que, dans son jugement du 20 août 2002 rejetant le recours du requérant contre sa radiation, le tribunal de l’arrondissement du Centre s’est contenté de se référer au jugement du 3 mars 2000 qui, à ses yeux, constituait une base suffisante pour l’applicabilité du paragraphe 5 litigieux (paragraphe 46 ci-dessus). Or, ce dernier jugement se limitait à constater que le requérant avait été « agent des Forces garde-frontières du [KGB] », au sens du paragraphe précité. Aucune analyse suffisamment détaillée des tâches concrètes assignées à M. Ādamsons au sein du KGB et de son comportement à l’époque en question n’a été effectuée, que ce soit par les juridictions lettonnes dans leurs décisions, ou même par le Gouvernement dans ses observations devant la Cour.
127. Certes, le Gouvernement précise qu’au cours de son service dans les rangs du KGB, le requérant a exercé certaines fonctions liées soit à la mission spécifiquement politique du KGB, soit aux renseignements militaires. De même, dans son arrêt du 9 septembre 2002, le sénat de la Cour suprême a motivé l’application du paragraphe 5 litigieux au requérant par le fait que celui-ci avait été chargé de questions de renseignements (paragraphe 48 ci-dessus). Toutefois, la Cour juge cet argument trop vague et imprécis pour être recevable. En premier lieu, le Gouvernement n’a jamais soutenu – et rien dans le dossier ne l’indique non plus –, que le requérant ait été directement ou indirectement impliqué dans des méfaits du régime totalitaire communiste tels que la répression de l’opposition politique et idéologique, les dénonciations, ou toute autre mesure visant la population générale. En deuxième lieu, il ressort clairement des faits de la cause qu’à l’époque soviétique, toute la carrière militaire du requérant s’est déroulée en Extrême-Orient, sur la côte du Pacifique, donc à des milliers de kilomètres du territoire letton. Le Gouvernement fait valoir que c’était alors une région « stratégiquement très importante ». La Cour ne voit pas la pertinence de cet argument en l’espèce, car il n’en ressort guère que, pendant la période en question, le requérant ait nui aux intérêts de la Lettonie et du peuple letton d’une manière quelconque.
128. Outre l’absence d’éléments de preuve étayant la prétendue participation du requérant à des activités antidémocratiques durant l’exercice de ses fonctions dans les Forces garde-frontières de l’URSS, la Cour accorde une importance toute particulière à son comportement. En effet, rien ne montre que le requérant ait réellement soutenu des idées ou des tendances antidémocratiques, que ce soit pendant la période soviétique ou postérieurement. Au contraire, à la différence notable de Mme Ždanoka, il a quitté le PCUS de sa propre initiative deux ans avant les événements ayant mené à la dissolution de ce parti (paragraphe 11 ci-dessus). Dans ces circonstances, la Cour ne voit dans la biographie du requérant aucun acte – au sens large du terme – susceptible de témoigner d’une opposition ou d’une hostilité au rétablissement de l’indépendance de la Lettonie et de son ordre démocratique.
129. La Cour note ensuite que le requérant n’a été officiellement reconnu inéligible qu’en 2002, c’est-à-dire très tardivement, après dix ans d’une carrière militaire et politique remarquable dans la Lettonie restaurée (voir, mutatis mutandis, Sidabras et Džiautas, précité, § 60). En effet, dès son retour, en 1992, il a occupé des postes très importants – vice-commandant de la marine nationale puis commandant en chef des Forces garde-frontières et enfin ministre de l’Intérieur – avant d’entamer une carrière de parlementaire. Aux yeux de la Cour, seules les raisons les plus impérieuses pouvaient justifier l’inéligibilité du requérant dans ces conditions ; or, le Gouvernement n’a pas fourni de telles raisons. En particulier, ce dernier ne prétend nullement que les autorités ignoraient la subordination des Forces garde-frontières soviétiques au KGB ou la position du requérant au sein de ces Forces. Au contraire, il ressort des circonstances de l’espèce que la carrière militaire de M. Ādamsons dans le passé constituait un fait notoirement connu et que lui-même n’avait jamais dissimulé quoi que ce soit dans sa biographie. En outre, au cours de cette décennie, il a eu amplement l’occasion de prouver sa loyauté envers l’Etat letton et son attachement aux valeurs démocratiques, et le Gouvernement n’a produit aucun élément susceptible de mettre en cause son intégrité sur ce point.
130. Le Gouvernement justifie ce retard dans son action par le fait que les autorités lettonnes n’ont pas pu récupérer une grande partie des archives du KGB, restées en Russie, et qu’elles ont donc eu des difficultés pour obtenir toutes les informations utiles concernant le passé du requérant. Là encore, la Cour admet qu’un tel argument pouvait être accepté au cours des premières années suivant le rétablissement de l’indépendance de Lettonie. Toutefois, au fil du temps, une simple suspicion, fût-elle objectivement fondée, est devenue insuffisante pour motiver l’inéligibilité du requérant. Par conséquent, dans le cas du requérant, l’argument du Gouvernement ne serait valable que si, entre 1992 et 2002, les autorités avaient obtenu des informations révélant des faits nouveaux à son sujet, et si ces faits étaient objectivement de nature à infléchir leur avis quant à l’applicabilité de la loi électorale à son égard. Or, le dossier ne contient pas de telles informations. Aux yeux de la Cour, une telle situation est manifestement contraire au principe de confiance légitime, inhérent à l’article 3 du Protocole no 1 comme par ailleurs au reste de la Convention (voir, mutatis mutandis, Lykourezos c. Grèce, no 33554/03, §§ 56-57, CEDH 2006-…).
131. La Cour note enfin que, dans ses observations initiales, le Gouvernement avait insisté sur le fait que le délai de dix ans pendant lequel les ex-agents du KGB pouvaient subir les restrictions prévues par d’autres textes législatifs viendrait à expiration en juin 2004 (paragraphe 84 ci-dessus). Toutefois, peu après, le Parlement a prolongé ce délai de dix années supplémentaires (paragraphe 73 ci-dessus). Puisque ni le Parlement ni le Gouvernement n’ont expliqué les raisons d’une telle prolongation, malgré le passage du temps et la stabilité renforcée dont jouit à présent la Lettonie du fait de son intégration pleine et entière dans l’ensemble européen, force est pour la Cour de conclure que cette prolongation a revêtu un caractère manifestement arbitraire à l’égard du requérant. En outre, il ressort des faits de la cause que, dans son arrêt du 15 juin 2006, la Cour constitutionnelle lettonne a estimé possible d’adopter une approche individualisée à l’égard d’un autre ex-agent du KGB, M. J.B. (paragraphe 79 ci-dessus) ; or le Gouvernement a failli à expliquer pourquoi une telle individualisation ne serait pas possible dans le cas du requérant.
132. Dans ces circonstances, la Cour conclut que les autorités ont outrepassé une marge d’appréciation acceptable, aussi large soit-elle, et que l’ingérence dénoncée est incompatible avec les exigences de l’article 3 du Protocole no 1. Partant, il y a eu violation de cette disposition en l’espèce ( TROISIÈME SECTION, AFFAIRE ĀDAMSONS c. LETTONIE , Requête no 3669/03, ARRÊT 24 juin 2008 DÉFINITIF 01/12/2008).
Pe rolul Curții Constituționale s-a aflat soluţionarea obiecţiilor de neconstituţionalitate asupra dispoziţiilor Legii lustraţiei , formulate de un grup de 29 de senatori şi de un grup de 58 de deputaţi.
Autorii sesizării susţin că Legea lustraţiei încalcă condiţiile stabilite prin Rezoluţia Adunării Parlamentare a Consiliului Europei nr. 1.096/1996 relativă la măsurile de desfiinţare a moştenirii fostelor regimuri totalitare comuniste, măsurile de lustraţie nefiind compatibile cu un stat de drept şi democratic decât dacă sunt respectate toate aceste condiţii.
Curtea Constituţională consideră că lustraţia se poate constitui ca reper moral, de rememorare a ororilor comunismului, dar şi ca măsură temporară de excludere de la funcţiile de conducere a unor autorităţi şi instituţii publice a persoanelor care au lucrat sau colaborat cu regimul comunist. Lustraţia nu înseamnă, însă, epurare sau răzbunare pentru alegeri ideologice greşite ori accidente biografice, ci încercarea de regăsire a demnităţii şi încrederii, precum şi redarea autorităţii instituţiilor fundamentale ale statului. Lustraţia accentuează mai ales principiul responsabilităţii în exercitarea demnităţilor publice.
Dincolo de numeroasele probleme morale, sociale, politice, economice, legale etc. care se pot ridica după adoptarea unei legi a lustraţiei, aceasta are, per ansamblu, un efect pozitiv în perioada de tranziţie a fostelor ţări comuniste în vederea trecerii la un stat democratic, de drept, bineînţeles, dacă este adoptată în conformitate cu prevederile constituţionale ale statului respectiv.
Principiul egalităţii accesului la o funcţie publică este consacrat prin Declaraţia Drepturilor Omului şi Cetăţeanului din 1789, precum şi în art. 21 paragraful 2 din Declaraţia Universală a Drepturilor Omului din 10 decembrie 1948, potrivit căruia “Orice persoană are dreptul de acces, egal, la funcţiile publice ale ţării sale” şi în art. 25 din Pactul internaţional cu privire la drepturile civile şi politice din 16 decembrie 1966, potrivit căruia “Orice cetăţean are dreptul şi posibilitatea, fără niciuna dintre discriminările la care se referă art. 2 şi fără restricţii nerezonabile; […] c) de a avea acces, în condiţii generale de egalitate, la funcţiile publice din ţara sa”.
Astfel, sunt interzise discriminările bazate pe rasă, sex, religie, opinie, avere, origine socială etc., dar fiecare stat are dreptul să impună, pe cale legislativă, anumite condiţii specifice pe care trebuie să le îndeplinească un funcţionar public, cum ar fi cetăţenia, exercitarea deplină a drepturilor civile şi politice, moralitatea etc.
Aşadar, în toate statele membre ale Uniunii Europene există condiţii specifice pentru accederea la o funcţie publică. Unele state membre cer deţinerea anumitor diplome sau a unor studii specifice diferitelor niveluri de ocupare, altele solicită anumite competenţe lingvistice, cunoaşterea drepturilor civile, obligaţii militare, limită de vârstă, aptitudini fizice etc. De asemenea, posturile care implică respectarea unui secret profesional necesită un control de securitate.
În ţările foste comuniste, o condiţie specială pentru accederea într-o funcţie publică o reprezintă neapartenenţa la nomenclatură şi, ca o consecinţă, a apărut conceptul “lustraţie”, termen ce semnifică procedura existentă în aceste ţări de a-i arăta pe cei care au colaborat cu fostul regim şi de a le interzice ocuparea unor funcţii publice. Această practică a apărut ca o garanţie a respectării statului democratic, de drept, în vederea bunei funcţionări a administraţiei publice bazate pe credibilitatea şi loialitatea funcţionarilor publici.
Toate ţările foste comuniste din Europa Centrală şi de Est care au aderat la Uniunea Europeană s-au confruntat cu problema lustraţiei, adică a interzicerii accesului sau îndepărtării din instituţiile publice a acelor persoane cu privire la care există certitudinea că au făcut parte din regimul comunist.
Fiecare ţară confruntată cu problema lustraţiei, în funcţie de scopul urmărit şi de specificul naţional, a adoptat un anumit tip de realizare a lustraţiei, considerându-se, în doctrină, că Cehia a reglementat un model radical, că Lituania şi ţările baltice au adoptat un model intermediar şi că Ungaria, Polonia şi Bulgaria s-au raliat unui model moderat.
După o încercare nereuşită, cea din 1997, adoptarea în România a Legii lustraţiei este lipsită de eficienţă juridică, nefiind actuală, necesară şi utilă, doar cu o semnificaţie exclusiv morală, ţinând seama de perioada mare de timp care a trecut de la căderea regimului totalitar comunist.
De altfel, chiar iniţiatorii legii, invocând art. 53 din Constituţie, afirmă că Legea lustraţiei se subscrie acestei norme constituţionale care statuează că “Exerciţiul unor drepturi sau al unor libertăţi poate fi restrâns numai prin lege şi numai dacă se impune, după caz, pentru: apărarea […] moralei publice, […]”, morală întinată de cutumele comunismului.
La ora actuală, în România, în ceea ce priveşte funcţiile de demnitate publică, nu există o condiţionare a ocupării acestora de neapartenenţa la vechile structuri comuniste, ci există doar obligaţia de a declara apartenenţa sau neapartenenţa la poliţia politică.
Curtea Constituțională observă, de asemenea, că dispoziţiile Legii lustraţiei sunt lipsite de rigoare normativă, nefiind suficient de clare şi de precise.
Faţă de aceste ambiguităţi, Curtea se mărgineşte să atragă atenţia asupra posibilelor dificultăţi de ordin practic în aplicarea măsurilor prevăzute de lege.
Curtea reţine că în concepţia legii criticate răspunderea juridică şi sancţionarea se întemeiază pe deţinerea unei demnităţi sau funcţii în structurile şi aparatul represiv al fostului regim totalitar comunist. Răspunderea juridică, indiferent de natura ei, este o răspundere preponderent individuală şi există numai întemeiată pe fapte juridice şi acte juridice săvârşite de o persoană, iar nu pe prezumţii.
Aşa cum s-a mai arătat, lustraţia nu poate fi utilizată ca mijloc de pedeapsă sau răzbunare, deoarece scopul acesteia nu este pedepsirea celor prezumaţi vinovaţi. O pedeapsă poate fi impusă doar pentru o activitate criminală din trecut, pe baza Codului penal aplicabil şi în conformitate cu toate procedurile şi garanţiile procesului penal.
Or, supusă controlului de constituţionalitate sub acest aspect, Legea lustraţiei este excesivă în raport cu scopul legitim urmărit, deoarece nu permite individualizarea măsurii. Această lege instituie o prezumţie de vinovăţie şi o adevărată sancţiune colectivă, bazată pe o formă de răspundere colectivă şi pe o culpabilizare generică, globală, făcută pe criterii politice, ceea ce contravine principiilor statului de drept, ale ordinii de drept şi prezumţiei de nevinovăţie instituită prin art. 23 alin. (11) din Constituţie. Chiar dacă legea criticată permite apelarea la justiţie pentru justificarea interzicerii dreptului de a candida şi de a fi ales în funcţii şi demnităţi, aceasta nu reglementează un mecanism adecvat în scopul stabilirii desfăşurării unor activităţi concrete îndreptate împotriva drepturilor şi libertăţilor fundamentale. Cu alte cuvinte, legea nu oferă garanţii adecvate de control judiciar asupra aplicării măsurilor restrictive.
Nicio persoană nu va putea fi supusă lustraţiei pentru opinii personale şi convingeri proprii sau pentru simplul motiv de asociere cu orice organizaţie care, la data asocierii sau a activităţii desfăşurate, era legală şi nu a comis încălcări grave ale drepturilor omului. Lustraţia este permisă doar cu privire la acele persoane care au luat parte efectiv, împreună cu organizaţii ale statului la grave încălcări ale drepturilor şi libertăţilor omului.
Art. 2 din legea supusă controlului de constituţionalitate prevede una dintre principalele sancţiuni colective care vizează dreptul de a candida şi dreptul de a fi ales în funcţiile de demnitate publică enumerate al persoanelor care au aparţinut anumitor structuri politice şi ideologice. Dispoziţiile acestui articol de lege contravin prevederilor constituţionale ale art. 37 şi 38 prin care se consacră dreptul de a fi ales, cu interdicţiile expres şi limitativ menţionate. Este evident că dispoziţiile art. 2 din Legea lustraţiei excedează cadrului constituţional, prevăzând o nouă interdicţie dreptului de acces în funcţiile publice, care nu respectă art. 53 din Constituţie referitoare la restrângerea exerciţiului unor drepturi sau al unor libertăţi. Astfel, Curtea constată că această limitare este lipsită de proporţionalitate în raport cu scopul urmărit, întrucât aduce atingere înseşi existenţei dreptului şi nu îşi justifică necesitatea într-o societate democratică.
Totodată, Curtea observă că Legea lustraţiei a fost adoptată după 21 de ani de la căderea comunismului. De aceea, caracterul tardiv al legii, fără a avea în sine un rol decisiv, este considerat de Curte ca fiind relevant pentru disproporţionalitatea măsurilor restrictive, chiar dacă prin acestea s-a urmărit un scop legitim. Proporţionalitatea măsurii faţă de scopul urmărit trebuie privită, în fiecare caz, prin prisma evaluării situaţiei politice a ţării, precum şi a altor circumstanţe.
În acest sens este şi jurisprudenţa Curţii Europene a Drepturilor Omului privind legitimitatea legii lustraţiei în timp.
Astfel, în Cauza Zdanoka contra Letonia, 2004, Curtea s-a pronunţat cu privire la măsurile statului leton de a dispune excluderea pe termen nedefinit a unor persoane de la eligibilitatea în alegerile naţionale parlamentare şi locale, datorită activităţilor pe care acestea le-au întreprins într-o perioadă de timp (1991) în cadrul unor structuri comuniste declarate neconstituţionale. Analizând cazul, Curtea a arătat că o astfel de măsură ar fi fost justificată şi proporţională în timpul primilor ani după înlăturarea regimului, “când nou-instauratele structuri încă mai puteau fi ameninţate de alunecare către totalitarism, iar astfel de restricţii ar fi fost de natură a înlătura un astfel de risc”. Curtea a condamnat statul leton pentru încălcarea art. 3 din Protocolul nr. 1 la Convenţie, motivând că nu s-a dovedit faptul că excluderea unei persoane de la dreptul de a candida este proporţională cu scopul legitim. În speţă, Curtea a considerat că participarea persoanei în acţiunile antidemocratice realizate imediat după instaurarea noului regim democratic în Letonia nu a fost suficient de serioasă pentru a justifica restricţiile din prezent. După trecerea însă a unei perioade mai lungi de timp, nu se mai poate invoca un caracter preventiv pentru o astfel de măsură.
De asemenea, în Cauza Partidul Comuniştilor (Nepecerişti) şi Ungureanu contra României, 2005, Curtea Europeană a Drepturilor Omului a considerat că nici contextul istoric, nici experienţa totalitaristă trăită în România până în 1989 nu justifică necesitatea unei ingerinţe de genul interzicerii înscrierii unui partid pe motiv că va promova doctrina comunistă, de vreme ce aceste partide există în mai multe state semnatare ale Convenţiei europene, iar democraţia se clădeşte pe pluralism politic.
În concluzie, Curtea Constituţională constată că Legea lustraţiei este neconstituţională ( Curtea Constituţională, Decizia nr. 820 din 7 iunie 2010, publicată în Monitorul Oficial al României, Partea I, nr. 420 din 23 iunie 2010).
Parlamentul României a arătat că adoptarea prezentei legi este necesară pentru consolidarea valorilor şi instituţiilor democratice din România şi pentru protejarea principiilor fundamentale prevăzute de Constituţie, justificând astfel restrângerea exercitării unor drepturi şi libertăţi ale unor persoane, prin restrângerea exercitării dreptului de a ocupa funcţii numite în structurile de putere şi în aparatul represiv al regimului comunist, în perioada 6 martie 1945 – 22 decembrie 1989.
În sensul legii, au făcut parte din structurile de putere şi din aparatul represiv al regimului comunist, încălcând prin atribuţiile de serviciu pe care le-au exercitat, :
a) persoana care a ocupat funcţii politice de conducere retribuite de Partidul Comunist Român, denumit în continuare PCR, în aparatul central, regional, raional sau judeţean, după caz, al Partidului Muncitoresc Român, denumit în continuare PMR, al PCR, al Uniunii Tineretului Muncitoresc ;
b) persoana care a deţinut calitatea de membru al Consiliului de Stat sau al Consiliului de Miniştri, precum şi cei care au avut calitatea de ministru secretar de stat, prim – adjunct şi adjunct al miniştrilor şi al secretarilor de stat, prim-adjunct şi adjunct al miniştrilor şi al secretarilor de stat.;
c) persoana care a deţinut funcţia de prim-secretar, secretar al Comitetului judeţean de partid, preşedinte, prim – vicepreşedinte şi vicepreşedinte al consiliilor populare judeţene, precum şi persoanele care au deţinut calitatea de membru al Comisiei Centrale de Revizie sau al Colegiului Central de partid al Comitetului Central al PCR;
d) persoana care a exercitat funcţia de activist remunerat de partid în cadrul aparatului de propagandă al Consiliului Culturii şi Educaţiei Socialiste la nivel central, regional, raional sau judeţean, după caz, precum şi directorii de editură, redactorii–şefi, redactorii–şefi adjuncţi şi secretarii generali de redacţie ai instituţiilor de presă ale PMR, PCR şi UTM din România la nivel naţional, regional, raional sau judeţean, după caz;
e) persoana care a ocupat o funcţie de conducere în învăţământul de partid, organizat şi finanţat de PCR, PMR şi UTM ;
f) persoana care a făcut parte din structurile organelor de Securitate şi a colaborat cu Securitatea, ca poliţie politică, constatată ca atare de către organele în drept, potrivit legii ;
g) persoana care a exercitat funcţia de preşedinte sau preşedinte al unei secţii a Tribunalului Suprem, de procuror, procuror general sau procuror general adjunct în cadrul unităţilor de procuratură, precum şi persoana care a îndeplinit funcţia de secretar de partid în oricare dintre instanţele judecătoreşti;
h) persoana care a ocupat funcţia de comandant, inspector şef sau inspector şef adjunct, la nivel central sau judeţean, după caz, în cadrul inspectoratelor de miliţie, comandanţii, adjuncţii şi ofiţerii anchetatori din centrele de detenţie politică şi lagărele de muncă forţată, secretarii de partid, precum şi ofiţerii politici din cadrul acestor instituţii.
Potrivit art. 2, Persoana care se află în vreuna dintre situaţiile prevăzute la art. 1 nu poate fi numită pe o perioadă de 5 ani consecutivi de la data intrării în vigoare a prezentei legi, pentru următoarele demnităţi şi funcţii publice:
a) secretar general, secretar general adjunct, şef de departament sau director general ori director în serviciile Senatului ori ale Camerei Deputaţilor;
b) membru al Guvernului, consilier de stat, secretar de stat, subsecretar de stat sau funcţii asimilate acestora, secretar general, secretar general adjunct în cadrul ministerelor sau autorităţilor administrative autonome, membru al Consiliului de administraţie al Societăţii Române de Televiziune şi al Societăţii Române de Radiodifuziune, precum şi membru al Consiliului Naţional pentru Studierea Arhivelor Securităţii;
c) consilier de conturi al Curţii de Conturi sau judecător al Curţii Constituţionale;
d) preşedinte sau preşedinte de secţie al Consiliului Legislativ;
e) Avocat al Poporului sau adjunct al acestuia;
f) membru în Consiliul de administraţie sau în conducerea executivă a Băncii Naţionale a României sau a altor bănci de stat;
g) membru în adunarea generală a acţionarilor sau în consiliul de administraţie al regiilor naţionale, companiilor naţionale şi societăţilor comerciale cu capital de stat, ca reprezentant al intereselor statului român;
h) preşedinte sau vicepreşedinte al Înaltei Curţi de Casaţie şi Justiţie, procurori generali, prim – adjunct al procurorului general al Parchetului de pe lângă Înalta Curte de Casaţie şi Justiţie, procurori generali adjuncţi, procuror şef şi procuror şef adjunct ai Direcţiei Naţionale Anticorupţie, prim – procurori;
m) şefii agenţiilor sau instituţiilor de stat la nivel naţional;
n) angajat sau colaborator în cadrul institutelor finanţate de stat pentru studierea istoriei, cercetarea totalitarismului şi a crimelor comunismului, precum şi a Revoluţiei din decembrie 1989;
o) membru în conducerea Agenţiei Naţionale de Integritate;
etc.
Exercitarea funcţiei pentru persoana numită aflată în una dintre situaţiile prevăzute încetează la 90 de zile de la data intrării în vigoare a prezentei legi.
Art. 5 al legii arată că aceasta nu se aplică persoanei care s-a aflat într-una dintre situaţiile prevăzute la art. 1 înainte de a împlini vârsta de 18 ani.
Mai subliniem că în Şedinţa Camerei Deputaţilor din 28 februarie 2012, s-au discutat câteva amendamente – Domnul Mircea-Nicu Toader a arătat:
Doamna preşedinte, cred că ar trebui să scoatem din articolul respectiv: “membri şi membri supleanţi ai conducerii UTC.” Dacă despre UTM este valabil că Uniunea Tineretului Muncitor era mult înainte, la UTC înseamnă că foarte mulţi tineri… şi mai ales să ţineţi cont că orice student sau orice funcţie de conducere într-o formă administrativă… trebuia să fie şi membru UTC, vă rog să scoateţi din text cea care se referă la membri şi membri supleanţi ai conducerii UTC.
Stimaţi colegi, nu ştiu, Grupul UDMR nu poate fi de acord. Cred că şi cei care au fost în Comitetul Central al Uniunii Tineretului Comunist ar trebui să stea de-o parte, pentru că până la urmă ei erau cei care erau pregătiţi pentru a deveni foştii nomenclaturişti şi foştii comunişti. Deci, nu pot susţine această variantă. Sigur că da, vom vedea la vot.
Cu 54 de voturi pentru, 26 împotrivă şi 12 abţineri propunerea făcută de domnul Toader a trecut.
În continuare, Domnul Máté András-Levente a arătat că :
În Comisia juridică am susţinut un amendament, împreună cu distinsul meu coleg, domnul Mircea Grosaru, care este în Grupul minorităţilor naţionale. Şi ţin minte că un domn care a fost condamnat pe nedrept şi a stat opt ani de zile în puşcărie ne-a implorat în genunchi să susţinem şi să votăm acest amendament.
Cred că după 22 de ani nu pot accepta ca un fost procuror comunist, care a făcut poliţie politică, care a fost cel care a început anchetarea cetăţenilor români care au luptat împotriva comunismului, mă gândesc aici şi la cei care au fost persecutaţi în ΄56, mă gândesc şi la cei care au fost până în 1989 verificaţi, şi primul nivel unde au fost ei anchetaţi, interogaţi, bătuţi şi aşa mai departe, era procurorul comunist. Vă dau un singur exemplu, un fost procuror comunist ar putea accede acum să fie ales în Parlamentul României sau poate fi numit ministru sau secretar de stat sau la nivel judeţean, consiliu judeţean, consiliu local, cred că este inacceptabil.
Vă mai dau un singur exemplu de la mine, din Cluj: un fost procuror comunist care are acum 80-90 de milioane de lei vechi pensie, iar doamna Doina Cornea, care a fost persecutată de un procuror comunist, abia ajunge la o pensie de 15 milioane lei vechi. Cred că este inacceptabil! Eu vă rog respectuos şi sunt ferm convins că mulţi colegi de-ai mei din PDL înţeleg despre ce este vorba şi vor susţine ca foştii procurori comunişti să nu facă parte din actuala viaţă politică, să nu fie aleşi şi să nu fie numiţi în funcţii de conducere. Ar fi imoral să votăm altfel.
Cu 58 de voturi pentru, 19 împotrivă şi 17 abţineri acest amendament a trecut.
De asemenea, Domnul Mircea Duşa mai ridică o problemă:
Eliminarea unui text din textul care a fost adoptat la dezbateri generale nu înseamnă eroare materială. Eliminaţi articole întregi, alineate întregi. aceasta nu este eroare materială, domnu’…, şi probabil că la universitatea aceea pe care aţi creat-o astăzi, probabil că acolo au învăţat unii dreptul, să ne spună că eliminarea unui text din lege…
Încă o dată repet că aceasta nu este o eroare materială, să elimini un text sau un alineat din lege.
Pentru acest lucru, trebuie să retrimiteţi la comisie textul de lege.
Supusă la votul final, în Şedinţa Camerei Deputaţilor din 28 februarie 2012, Legea lustraţiei, privind limitarea temporară a accesului la unele funcţii şi demnităţi publice pentru persoanele care au făcut parte din structurile de putere şi din aparatul represiv al regimului comunist în perioada 6 martie 1945-22 decembrie 1989, reexaminată ca urmare a Deciziei Curţii Constituţionale nr. 820 din 7 iunie 2010 (Pl-x 282/2006) a fost adoptată, cu amendamente.
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