PROCEDURI ADMINISTRATIV – JURISDICŢIONALE. LEGITIMITATE CONSTITUŢIONALĂ

PROCEDURI ADMINISTRATIV – JURISDICŢIONALE. LEGITIMITATE CONSTITUŢIONALĂ
Prin Decizia Plenului nr. 1 din 8 februarie 1994, publicată în Monitorul Oficial al României, Partea I, nr. 69 din 16 martie 1994, Curtea Constituţională a statuat, de principiu, că instituirea unei proceduri administrativ-jurisdicţionale nu contravine eo ipso dispoziţiilor constituţionale atâta timp cât decizia organului administrativ de jurisdicţie poate fi atacată în faţa unei instanţe judecătoreşti, iar “existenţa unor organe administrative de jurisdicţie nu poate să ducă la înlăturarea intervenţiei instanţelor judecătoreşti în condiţiile legii. În atare situaţie, este exclusă posibilitatea ca un organ al administraţiei publice, chiar cu caracter jurisdicţional, să se substituie instanţei judecătoreşti”, astfel încât părţilor nu li se poate limita exercitarea unui drept consfinţit de Constituţie. Sub acest aspect, dispoziţiile art. 283 alin. (1) stabilesc dreptul persoanei interesate de a formula plângere împotriva deciziei pronunţate de Consiliu, instanţa competentă să o soluţioneze fiind curtea de apel – Secţia de contencios-administrativ şi fiscal pe raza căreia se află sediul autorităţii contractante.
Curtea Constituţională reţine că existenţa unei proceduri prealabile administrativ-jurisdicţionale este acceptată şi în jurisprudenţa Curţii Europene a Drepturilor Omului, jurisprudenţă prin care, în legătură cu aplicarea art. 6 par. 1 din Convenţia pentru apărarea drepturilor omului şi a libertăţilor fundamentale, s-a statuat că “raţiuni de flexibilitate şi eficienţă, care sunt pe deplin compatibile cu protecţia drepturilor omului, pot justifica intervenţia anterioară a unor organe administrative sau profesionale […] ce nu satisfac sub fiecare aspect în parte exigenţele menţionatelor prevederi; un asemenea sistem poate fi reclamat de tradiţia juridică a mai multor state membre ale Consiliului Europei” (cazul “Le Compte, Van Leuven şi De Meyere contra Belgiei”, 1981).
II. SUR LA VIOLATION ALLEGUEE DE L’ARTICLE 6 PAR. 1 (art. 6-1)
39. Les requérants se prétendent victimes de violations de l’article 6 par. 1 (art. 6-1), ainsi libellé:
“1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l’accès de la salle d’audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l’intérêt de la moralité, de l’ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l’exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice.”
40. Eu égard aux thèses respectives des comparants, le premier problème à résoudre a trait à l’applicabilité de ce paragraphe, affirmée par la majorité de la Commission mais niée par le Gouvernement.
A. Sur l’applicabilité de l’article 6 par. 1 (art. 6-1)
41. L’article 6 par. 1 (art. 6-1) ne vaut que pour l’examen des “contestations sur [des] droits et obligations de caractère civil” et du “bien-fondé de toute accusation en matière pénale”. Certaines “causes” échappent à son empire faute de se ranger dans l’une de ces catégories; la Cour l’a constaté à plusieurs occasions (voir p. ex. l’arrêt Lawless du 1er juillet 1961, série A no 3, p. 51, par. 12; l’arrêt Neumeister du 27 juin 1968, série A no 8, p. 43, par. 23; l’arrêt Guzzardi du 6 novembre 1980, série A no 39, p. 40, par. 108).
42. Ainsi, le Gouvernement le souligne à juste titre en renvoyant à l’arrêt Engel du 8 juin 1976, les poursuites disciplinaires ne relèvent pas, comme telles, de la “matière pénale”; il peut pourtant en aller différemment dans des cas donnés (série A no 22, pp. 33-36, par. 80-85).
De même, pareilles poursuites ne conduisent pas d’ordinaire à une contestation sur des “droits et obligations de caractère civil” (ibidem, p. 37, par. 87 in fine). On ne saurait cependant exclure qu’il en soit autrement dans certaines circonstances. La Cour n’a pas eu jusqu’ici à trancher la question en termes exprès; dans l’affaire König, mentionnée par la Commission et le Gouvernement, le requérant se plaignait uniquement de la durée d’instances introduites par lui devant des juridictions administratives après qu’un organe de l’exécutif lui eut retiré l’autorisation de gérer sa clinique puis d’exercer la profession médicale (arrêt du 28 juin 1978, série A no 27, p. 8, par. 18, et p. 28, par. 85; voir en outre l’arrêt Engel précité, pp. 36-37, par. 87, premier alinéa).
43. En l’occurrence, il se révèle indispensable d’établir si l’article 6 par. 1 (art. 6-1) s’appliquait à tout ou partie de la procédure suivie devant les conseils provinciaux et d’appel, organes disciplinaires, puis devant la Cour de cassation, institution judiciaire.
Gouvernement, Commission et requérants n’ont guère discuté le problème, au moins après les décisions de recevabilité des 6 octobre 1976 et 10 mars 1977, que sous l’angle des mots “contestations sur [des] droits et obligations de caractère civil”. La Cour estime approprié de se placer elle aussi d’emblée sur ce terrain.
1. Sur l’existence de “contestations” relatives à des “droits et obligations de caractère civil”
44. Certains aspects du sens des mots “contestations sur [des] droits et obligations de caractère civil” se dégagent des arrêts Ringeisen du 16 juillet 1971 et König du 28 juin 1978.
Selon le premier, ce membre de phrase couvre “toute procédure dont l’issue est déterminante pour des droits et obligations de caractère privé”, même si elle oppose un particulier à une autorité détentrice de la puissance publique; peu importe la nature “de la loi suivant laquelle la contestation doit être tranchée” et de l’organe compétent pour statuer (série A no 13, p. 39, par. 94).
La notion même de “droits et obligations de caractère civil” se trouvait au centre de l’affaire König. Parmi les droits en cause figurait celui “de continuer à exercer ses activités professionnelles” médicales après avoir “obtenu les autorisations nécessaires”. A la lumière des circonstances de l’espèce, la Cour l’a qualifié de droit privé, donc civil au regard de l’article 6 par. 1 (art. 6-1) (loc. cit., pp. 29-32, par. 88-91 et 93-95).
Les conséquences de cette jurisprudence sont encore largement étendues par l’arrêt Golder du 21 février 1975. La Cour y a conclu que “l’article 6 par. 1 (art. 6-1) garantit à chacun le droit à ce qu’un tribunal connaisse de toute contestation relative à ses droits obligations de caractère civil” (série A no 18, p. 18, par. 36). Il en résulte, entre autres, que ce texte ne vaut pas seulement pour une procédure déjà entamée: peut aussi l’invoquer quiconque, estimant illégale une ingérence dans l’exercice de l’un de ses droits (de caractère civil), se plaint de n’avoir pas eu l’occasion de soumettre pareille contestation à un tribunal répondant aux exigences de l’article 6 par. 1 (art. 6-1).
45. Dans la présente affaire un premier point mérite éclaircissement: peut-on parler d’une véritable “contestation”, au sens de “deux prétentions ou demandes contradictoires” (plaidoirie du conseil du Gouvernement)?
L’esprit de la convention commande de ne pas prendre ce terme dans une acception trop technique et d’en donner une définition matérielle plutôt que formelle; la version anglaise de l’article 6 par. 1 (art. 6-1) n’en renferme du reste pas le pendant (“In the determination of his civil rights and obligations”; comp. l’article 49 (art. 49): “dispute”).
Même si l’emploi du mot français “contestation” implique l’existence d’un différend, les pièces du dossier montrent clairement qu’il y en avait un. Les requérants se virent reprocher par l’Ordre des médecins des fautes disciplinaires dont ils se défendirent et qui les rendaient passibles de sanctions. Le conseil provincial compétent les en ayant déclarés coupables et ayant prononcé leur suspension – par défaut dans le cas du Dr le Compte (Flandre occidentale), après les avoir entendus en leurs moyens de fait et de droit dans celui des Drs Van Leuven et de Meyere (Flandre orientale) -, ils saisirent le conseil d’appel. Ils comparurent tous trois devant lui; assistés d’avocats, ils invoquaient entre autres les articles 6 par. 1 et 11 (art. 6-1, art. 11). Leur recours échoua pour l’essentiel, après quoi ils s’adressèrent à la Cour de cassation en s’appuyant derechef, notamment, sur la Convention (paragraphes 10-11 et 15-19 ci-dessus).
46. Encore faut-il que la “contestation” ait porté “sur [des] droits et obligations de caractère civil”, c’est-à-dire que “l’issue de la procédure” ait été “déterminante” pour un tel droit (arrêt Ringeisen précité).
Selon les requérants, il s’agissait de leur droit de continuer à exercer leur profession; l’arrêt König du 28 juin 1978 aurait reconnu le “caractère civil” de pareil droit (loc. cit., pp. 31-32, par. 91 et 93).
D’après le Gouvernement, les décisions des conseils provinciaux et d’appel n’avaient en la matière qu’une “incidence indirecte”. Contrairement aux juridictions administratives allemandes dans l’affaire König, ces organes n’auraient pas contrôlé la régularité d’un acte antérieur de retrait du droit de pratiquer: il leur incombait plutôt de s’assurer de la réalité de manquements à la déontologie, propres à justifier des sanctions disciplinaires. Une “contestation” sur le droit de continuer à exercer la profession médicale aurait surgi, tout au plus, “à un stade ultérieur”: quand les Drs Le Compte, Van Leuven et De Meyere combattirent devant la Cour de cassation, en les taxant d’illégales, les mesures adoptées à leur encontre. Le Gouvernement ajoute que ce droit ne revêt pas un “caractère civil”; il invite la Cour à s’écarter de la solution consacrée à cet égard par l’arrêt König.
47. Quant au point de savoir si la contestation portait sur le droit susmentionné, la Cour estime que l’article 6 par. 1 (art. 6-1), dans chacun de ses deux textes officiels (“contestation sur”, “determination of”), ne se contente pas d’un lien ténu ni de répercussions lointaines: des droits et obligations de caractère civil doivent constituer l’objet – ou l’un des objets – de la “contestation”, l’issue de la procédure être directement déterminante pour un tel droit.
Si la Cour marque ici son accord avec le Gouvernement, elle ne souscrit pas à l’opinion suivant laquelle il manquait en l’espèce semblable relation directe entre les procédures en question et le droit de continuer à exercer la profession médicale. La suspension prononcée par le conseil provincial le 30 juin 1971 contre le Dr Le Compte, puis le 24 octobre 1973 contre les Drs Van Leuven et De Meyere, tendait à leur ôter temporairement le droit de pratiquer. Ce droit se trouvait directement en cause devant le conseil d’appel et la Cour de cassation, auxquels il incombait d’examiner les griefs des intéressés contre la décision les frappant.
48. En outre, dans le chef de médecins pratiquant l’art de guérir à titre libéral, tels les requérants, le droit de continuer à exercer est mis en oeuvre dans des relations d’ordre privé avec leurs clients ou patients; en droit belge, elles revêtent de coutume la forme de relations contractuelles ou quasi contractuelles et, de toute façon, se nouent directement entre individus sur un plan personnel, sans qu’une autorité publique intervienne de manière essentielle ou déterminante dans leur établissement. Il s’agit dès lors d’un droit de caractère privé, nonobstant la nature spécifique et d’intérêt général de la profession de médecin et les devoirs particuliers qui s’y rattachent.
La Cour conclut ainsi à l’applicabilité de l’article 6 par. 1 (art. 6-1); comme dans l’affaire König (arrêt précité, p. 32, par. 95), elle n’a pas à rechercher si la notion de “droits (…) de caractère civil” va au-delà de celle de droits de caractère privé.
49. Deux membres de la Commission, MM. Frowein et Polak, soulignent dans leur opinion dissidente que le présent litige ne concernait pas, comme l’affaire König, un retrait de l’autorisation de pratiquer, mais une suspension de durée relativement brève: trois mois pour le Dr Le Compte, quinze jours pour les Drs Van Leuven et De Meyere. Pareille suspension ne porterait pas atteinte à un droit de caractère civil; elle s’analyserait en une simple limitation inhérente à ce droit.
Cette thèse, à laquelle le Gouvernement se rallie “très subsidiairement” au paragraphe 19 de son mémoire, ne convainc pas la Cour. La suspension dont se plaignent les requérants constituait à n’en pas douter, à la différence de certaines autres sanctions disciplinaires qu’ils encouraient (avertissement, censure et réprimande – paragraphe 32 ci-dessus), une ingérence directe et substantielle dans l’exercice du droit de continuer à pratiquer l’art médical. Sa nature temporaire ne l’empêchait pas de porter atteinte à ce droit (comp., mutatis mutandis, l’arrêt Golder précité, p. 13, par. 26); les”contestations” visées à l’article 6 par. 1 (art. 6-1) peuvent certes avoir pour enjeu l’existence même d’un droit “de caractère civil”, mais aussi son étendue ou les modalités selon lesquelles son titulaire est libre d’en user.
50. Dès lors que la contestation des décisions prises à leur encontre doit être considérée comme relative à des “droits et obligations de caractère civil”, les requérants avaient droit à l’examen de leur cause par “un tribunal” remplissant les conditions de l’article 6 par. 1 (art. 6-1) (arrêt Golder précité, p. 18, par. 36).
51. En fait, trois organes s’occupèrent de leur cas: le conseil provincial, le conseil d’appel et la Cour de cassation. La question se pose donc de savoir s’ils répondaient aux exigences de l’article 6 par. 1 (art. 6-1).
a) La Cour ne croit pas indispensable de rechercher ce qu’il en était du conseil provincial. L’article 6 par. 1 (art. 6-1), s’il consacre le “droit à un tribunal” (paragraphe 44 ci-dessus), n’astreint pas pour autant les États contractants à soumettre les “contestations sur [des] droits et obligations de caractère civil” à des procédures se déroulant à chacun de leurs stades devant des “tribunaux” conformes à ses diverses prescriptions. Des impératifs de souplesse et d’efficacité, entièrement compatibles avec la protection des droits de l’homme, peuvent justifier l’intervention préalable d’organes administratifs ou corporatifs, et a fortiori d’organes juridictionnels ne satisfaisant pas sous tous leurs aspects à ces mêmes prescriptions; un tel système peut se réclamer de la tradition juridique de beaucoup d’États membres du Conseil de l’Europe. Dans cette mesure, la Cour reconnaît la justesse des arguments du Gouvernement et de M. Sperduti dans son opinion dissidente.
b) Quand le conseil provincial leur eut infligé une suspension temporaire du droit d’exercer leur profession, les Drs Le Compte, Van Leuven et De Meyere recoururent au conseil d’appel qui se trouva ainsi saisi de la contestation sur le droit en cause.
D’après le Gouvernement, ledit conseil n’avait cependant pas à remplir les conditions de l’article 6 par. 1 (art. 6-1) parce que sa décision pouvait donner lieu à un pourvoi devant la Cour de cassation dont la procédure, elle, les réunissait sans nul doute.
La Cour ne souscrit pas à cette argumentation. Pas plus pour les contestations civiles que pour les accusations pénales (arrêt Deweer du 27 février 1980, série A no 35, pp. 24-25, par. 48), l’article 6 par. 1 (art. 6-1) ne distingue entre points de fait et questions juridiques. A l’égal des secondes, les premiers revêtent une importance déterminante pour l’issue d’une procédure relative à des “droits et obligations de caractère civil”. Le “droit à un tribunal” (arrêt Golder précité, p. 18, par. 36) et à une solution juridictionnelle du litige (arrêt König précité, p. 34, par. 98 in fine) vaut donc pour eux autant que pour elles. Or il n’entre pas dans les compétences de la Cour de cassation de corriger les erreurs de fait ni de contrôler la proportionnalité entre faute et sanction (paragraphe 33 ci-dessus). Partant, l’article 6 par. 1 (art. 6-1) ne s’est trouvé respecté que si le conseil d’appel répondait à ses exigences.
2. Sur l’existence d’”accusations en matière pénale”
52. En se prononçant sur la recevabilité des requêtes, la Commission a déclaré que les organes de l’Ordre n’avaient pas eu à décider du bien-fondé d’accusations en matière pénale; elle le rappelle au paragraphe 67 de son rapport.
53. La Cour estime superflu de trancher la question, que les comparants n’ont guère abordée devant elle: comme dans l’affaire König (arrêt précité, pp. 32-33, par. 96), celles des règles de l’article 6 (art. 6) dont les requérants allèguent la violation valent en matière civile aussi bien que dans le domaine pénal.
B. Sur l’observation de l’article 6 par. 1 (art. 6-1)
54. Eu égard à la conclusion figurant au paragraphe 51 ci-dessus, il y a lieu de s’assurer que conseil d’appel et Cour de cassation réunissaient tous deux les conditions de l’article 6 par. 1 (art. 6-1) dans le cadre de leurs attributions: le premier parce que lui seul a procédé à un examen complet de mesures touchant à un droit de caractère civil, la seconde parce qu’elle a exercé un contrôle final de la légalité de ces mesures. Il faut donc rechercher si chacun d’eux constituait bien un”tribunal”, “établi par la loi”, “indépendant” et “impartial”, et s’il a entendu “publiquement” la cause des requérants.
55. Si la Cour de cassation présente à l’évidence les caractères d’un tribunal, malgré les limites de sa compétence (paragraphes 33 et 51 ci-dessus), il importe de vérifier s’il en va de même du conseil d’appel. Son rôle juridictionnel (paragraphe 26 ci-dessus) ne suffit pas. D’après la jurisprudence de la Cour (arrêt Neumeister précité, p. 44; arrêt De Wilde, Ooms et Versyp du 18 juin 1971, série A no 12, p. 41, par. 78; arrêt Ringeisen précité, p. 39, par. 95), seul mérite l’appellation de tribunal un organe répondant à une série d’autres exigences – indépendance à l’égard de l’exécutif comme des parties en cause, durée du mandat des membres, garanties offertes par la procédure – dont plusieurs figurent dans le texte même de l’article 6 par. 1 (art. 6-1). Aux yeux de la Cour, tel est le cas en l’occurrence sous réserve des précisions figurant plus loin.
56. Instituée par la Constitution (article 95), la Cour de cassation est manifestement établie par la loi. Quant au conseil d’appel, la Cour note, avec la Commission et le Gouvernement, que comme chacun des organes de l’Ordre des médecins il a été créé par une loi du 25 juillet 1938 et réorganisé par l’arrêté royal no 79 du 10 novembre 1967, lequel se fondait sur une loi du 31 mars 1967 attribuant certains pouvoirs au Roi (paragraphe 20 ci-dessus).
57. L’indépendance de la Cour de cassation ne saurait être mise en doute (arrêt Delcourt du 17 janvier 1970, série A no 11, p. 19, par. 35). Aux yeux de la Cour, qui rejoint sur ce point la Commission et le Gouvernement, il en va de même du conseil d’appel. En effet, sa composition assure une parité complète entre praticiens de l’art médical et magistrats de l’ordre judiciaire, et sa présidence incombe à l’un de ces derniers, désigné par le Roi, et détenteur d’une voix prépondérante en cas de partage. La durée du mandat des membres du conseil (six ans) offre d’ailleurs une garantie supplémentaire à cet égard (paragraphe 26 ci-dessus).
58. La Cour de cassation ne soulève aucune difficulté au titre de l’impartialité (arrêt Delcourt précité, p. 19, par. 35).
En ce qui concerne le conseil d’appel, la Commission exprime l’avis qu’il ne constituait pas en l’espèce un tribunal impartial: si ses membres magistrats devaient être réputés neutres, il fallait en revanche considérer ses membres médecins comme défavorables aux requérants, puisqu’ils avaient des intérêts très proches de ceux d’une des parties à la procédure.
La Cour ne partage pas cette opinion relative à la composition de la juridiction. La présence – déjà relevée – de magistrats occupant la moitié des sièges, dont celui de président avec voix prépondérante (paragraphe 26 ci-dessus), donne un gage certain d’impartialité et le système de l’élection des membres médecins par le conseil provincial ne saurait suffire à étayer une accusation de partialité (comp., mutatis mutandis, l’arrêt Ringeisen précité, p. 40, par. 97).
Quant à l’impartialité personnelle de chacun des membres, elle doit se présumer jusqu’à preuve du contraire; or, ainsi que le souligne le Gouvernement, aucun des requérants n’a usé de son droit de récusation (paragraphe 31 ci-dessus).
59. Devant le conseil d’appel, l’arrêté royal du 6 février 1970 exclut de manière générale et absolue toute publicité tant pour les audiences que pour le prononcé de la décision (paragraphes 31 et 34 ci-dessus).
Certes, l’article 6 par. 1 (art. 6-1) de la Convention ménage des exceptions à la règle de publicité – au moins pour les débats -, mais il les subordonne à certaines conditions. Or il ne ressort pas du dossier que l’une quelconque de celles-ci se trouvât remplie en l’espèce. La nature même des manquements reprochés aux requérants et de leurs propres griefs contre l’Ordre ne relevait pas de l’exercice de l’art de guérir. Partant, ni le respect du secret professionnel ni la protection de la vie privée de ces médecins ou de patients n’entraient en jeu; la Cour ne souscrit pas à la thèse contraire du Gouvernement. Rien ne donne non plus à penser que d’autres motifs, parmi ceux qu’énumère l’article 6 par. 1, deuxième phrase (art. 6-1), auraient pu justifier le huis clos; le Gouvernement n’invoque du reste aucun d’entre eux.
Les Drs Le Compte, Van Leuven et de Meyere avaient donc droit à la publicité de l’instance. A la vérité, ni la lettre ni l’esprit de l’article 6 par. 1 (art. 6-1) ne les auraient empêchés d’y renoncer de leur plein gré, expressément ou tacitement (comp. l’arrêt Deweer précité, p. 26, par. 49); une procédure disciplinaire de ce genre se déroulant dans le secret avec l’accord de l’intéressé n’enfreint pas la Convention. En l’espèce, toutefois, les requérants souhaitaient et réclamaient manifestement un procès public. L’article 6 par. 1 (art. 6-1) ne permettait pas de leur refuser puisque l’on ne se trouvait dans aucun des cas énumérés par sa seconde phrase.
60. La publicité de la procédure devant la Cour de cassation de Belgique ne saurait suffire à combler la lacune constatée. En effet, la haute juridiction “ne connaît pas du fond des affaires” (articles 95 de la Constitution et 23 de l’arrêté royal no 79), de sorte que de nombreux aspects des “contestations” relatives aux “droits et obligations de caractère civil” échappent à son contrôle (paragraphes 33 et 51 ci-dessus). Pour de tels aspects, qui existaient en l’espèce, il n’y a eu ni débats publics ni décision rendue en public comme le veut l’article 6 par. 1 (art. 6-1).
61. En résumé, la cause des requérants n’a pas été entendue “publiquement” par un tribunal jouissant de la plénitude de juridiction. Sur ce point, il y a eu méconnaissance de l’article 6 par. 1 (art. 6-1) dans les circonstances de l’affaire ( COUR , CHAMBRE, AFFAIRE LE COMPTE, VAN LEUVEN ET DE MEYERE c. BELGIQUE, Requête no 6878/75; 7238/75, ARRÊT, 23 juin 1981, echr.coe.int, Hudoc-Fr).

Mai mult, Ordonanţa de urgenţă a Guvernului nr. 34/2006 prevede în mod expres în art. 255 alin. (1) că
“Persoana care se consideră vătămată într-un drept al său ori într-un interes legitim printr-un act al autorităţii contractante, cu încălcarea dispoziţiilor legale în materia achiziţiilor publice, are dreptul de a contesta actul respectiv pe cale administrativ-jurisdicţională, în condiţiile prezentei ordonanţe de urgenţă, sau în justiţie, în condiţiile Legii contenciosului administrativ nr. 554/2004, cu modificările ulterioare”.
Or, într-o atare situaţie, dispoziţiile criticate satisfac pe deplin cerinţa constituţională consacrată de art. 21 alin. (4), potrivit căreia “Jurisdicţiile speciale administrative sunt facultative şi gratuite”, persoana vătămată având posibilitatea de a opta între contestarea actului administrativ pe calea administrativ-jurisdicţională şi formularea unei acţiuni direct în faţa instanţei judecătoreşti, în temeiul dreptului comun în materia contenciosului administrativ.
Examinând excepţia de neconstituţionalitate, Curtea reţine că dispoziţiile capitolului IX “Soluţionarea contestaţiilor” din Ordonanţa de urgenţă a Guvernului nr. 34/2006 reglementează o procedură administrativ-jurisdicţională de soluţionare a contestaţiilor privind atribuirea contractelor de achiziţie publică, a contractelor de concesiune de lucrări publice şi a contractelor de concesiune de servicii. Pentru soluţionarea contestaţiilor, partea care se consideră vătămată are dreptul să se adreseze Consiliului Naţional de Soluţionare a Contestaţiilor (Curtea Constituţională, Decizia nr. 1.188 din 20 septembrie 2011, publicată în Monitorul Oficial al României, Partea I, nr. 819 din 21 noiembrie 2011; Curtea Constituţională, Decizia nr. 690 din 11 septembrie 2007 referitoare la excepţia de neconstituţionalitate a dispoziţiilor capitolului IX “Soluţionarea contestaţiilor” din Ordonanţa de urgenţă a Guvernului nr. 34/2006 privind atribuirea contractelor de achiziţie publică, a contractelor de concesiune de lucrări publice şi a contractelor de concesiune de servicii publicată în Monitorul Oficial al României, Partea I, nr. 668 din 1 octombrie 2007 ; idem, Decizia nr. 887 din 16 octombrie 2007, publicată în Monitorul Oficial al României, Partea I, nr. 779 din 16 noiembrie 2007, Decizia nr. 1.098 din 15 octombrie 2008, publicată în Monitorul Oficial al României, Partea I, nr. 791 din 26 noiembrie 2008).

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