CEDH, AFFAIRE PAVALACHE C. ROUMANIE, LES MESURES PRIVATIVES DE LIBERTE, LE RESPECT DE LA DIGNITE HUMAINE, L’EXPOSITION A LA FUMEE DE TABAC ,LA SURPOPULATION CARCERALE , LA PRESOMPTION D’INNOCENCE D’UN INCULPE

CEDH, AFFAIRE PAVALACHE C. ROUMANIE, LES MESURES PRIVATIVES DE LIBERTE, LE RESPECT DE LA DIGNITE HUMAINE, L’EXPOSITION A LA FUMEE DE TABAC ,LA SURPOPULATION CARCERALE , LA PRESOMPTION D’INNOCENCE D’UN INCULPE

II.  LE DROIT ET LA PRATIQUE PERTINENTS

B.  Le droit interne concernant l’exécution des peines et des mesures privatives de liberté

1.  S’agissant du droit des détenus à l’assistance médicale, la loi no 23/1969 sur l’exécution des peines de prison prévoyait un tel droit dans ses articles 17 et 41 combinés. L’ordonnance d’urgence du Gouvernement no 56/2003, entrée en vigueur le 27 juin 2003, concernant les droits des personnes exécutant une peine privative de liberté renforça la protection du droit à l’assistance médicale (traitement, médicaments, etc.), assistance qui devait être dispensée aux détenus gratuitement et par un personnel qualifié. Les détenus pouvaient également saisir le tribunal de première instance de plaintes concernant le respect de leurs droits.

2.  L’ordonnance no 56/2003 a été abrogée et remplacée par la loi no 275/2006 qui a repris pour l’essentiel ses dispositions.

3.  S’agissant des dispositions législatives concernant la protection contre les effets du tabac dans le milieu pénitentiaire, la loi no 349/2002 sur la prévention et la lutte contre les effets de la consommation de tabac prévoit qu’il est interdit de fumer dans les unités sanitaires d’Etat ou privées et dans les espaces publics fermés.

4.  Par un jugement définitif du 12 avril 2005, le tribunal de première instance d’Arad accueillit l’action d’un détenu incarcéré à la prison d’Arad qui se plaignait d’avoir été obligé de partager une cellule avec des détenus fumeurs. Le tribunal ordonna à l’administration des prisons d’assurer la détention du plaignant dans une cellule sans fumeurs et de mettre fin à la violation de son droit tel que garantit par la loi no 349/2002. Le 12 janvier 2006, le tribunal de première instance d’Arad accueillit une deuxième action du même plaignant, au motif qu’il continuait à être incarcéré dans des cellules avec des détenus fumeurs.

C.  Rapports émanant du Conseil de l’Europe

1.  Les rapports du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains et dégradants (CPT)

5.  Les rapports du CPT dressent un état des lieux détaillé de la situation rencontrée dans les différents dépôts de police et établissements pénitentiaires roumains.

6.   Le CPT a recommandé aux autorités roumaines de prendre les mesures nécessaires en vue de faire respecter la norme de 4 m² d’espace de vie par détenu dans les cellules collectives de tous les établissements pénitentiaires de Roumanie.

2.  Le rapport du Bureau du Commissaire aux Droits de l’Homme

7.  Rédigé à la suite d’une visite effectuée en Roumanie du 13 au 17 septembre 2004, le rapport du 29 mars 2006 fournit des renseignements sur les prisons de Rahova et de Jilava.

8.  S’il a été constaté que la prison de Rahova offrait des conditions de vie convenables, le rapport qualifie les conditions de détention dans l’établissement de Jilava, une des prisons les plus surpeuplées en Roumanie, de « déplorables » et la situation d’« alarmante ». A l’époque de la visite, dans cette prison, il y avait 2 500 détenus pour 1 400 places. Il y est souligné, en outre, que « toutes les installations étaient vétustes, les fenêtres incapables de filtrer le froid et le mobilier d’un autre temps ».

EN DROIT

I.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 3 DE LA CONVENTION

9.  Le requérant se plaint d’avoir été obligé de partager au cours de sa détention provisoire des cellules avec des détenus fumeurs. Il soutient que les conditions de détention lui ont provoqué le 31 décembre 2002 un infarctus et des maladies cardiovasculaires et pulmonaires pour lesquelles il n’a pas été correctement soigné. Il invoque l’article 3 de la Convention, qui dispose :

« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. »

10.  Le Gouvernement s’oppose à cette thèse.

B.  Sur le fond

2.  Appréciation de la Cour

18.  La Cour rappelle que les mesures privatives de liberté impliquent habituellement pour un détenu certains inconvénients. Toutefois, elle rappelle que l’incarcération ne fait pas perdre à un détenu le bénéfice des droits garantis par la Convention. Au contraire, dans certains cas, la personne incarcérée peut avoir besoin d’une protection accrue en raison de la vulnérabilité de sa situation et parce qu’elle se trouve entièrement sous la responsabilité de l’Etat. Dans ce contexte, l’article 3 fait peser sur les autorités une obligation positive qui consiste à s’assurer que tout prisonnier est détenu dans des conditions qui sont compatibles avec le respect de la dignité humaine, que les modalités d’exécution de la mesure ne soumettent pas l’intéressé à une détresse ou à une épreuve d’une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention et que, eu égard aux exigences pratiques de l’emprisonnement, la santé et le bien-être du prisonnier sont assurés de manière adéquate (Kudła c. Pologne [GC], no 30210/96, CEDH 2000-XI, Norbert Sikorski c. Pologne, no 17599/05, § 131, 22 octobre 2009). Ainsi, la détention dans des conditions inadéquates d’une personne malade peut en principe constituer un traitement contraire à l’article 3 (voir, par exemple, Price c. Royaume­Uni, no 33394/96, § 30, CEDH 2001‑VII, İlhan c. Turquie [GC], no 22277/93, § 87, CEDH 2000-VII, et Naoumenko c. Ukraine, no 42023/98, § 112, 10 février 2004).

19.  L’Etat est donc tenu, nonobstant les problèmes logistiques et financiers, d’organiser son système pénitentiaire de façon à assurer aux détenus le respect de leur dignité humaine (Choukhovoï c. Russie, no 63955/00, § 31, 27 mars 2008, et Benediktov c. Russie, no 106/02, § 37, 10 mai 2007). Cela peut impliquer l’obligation, à la charge de l’Etat, de prendre des mesures afin de protéger un détenu contre les effets nocifs du tabagisme passif lorsque, au vu des examens médicaux et des recommandations des médecins traitants, son état de santé l’exige (Elefteriadis, précité, § 48).

20.  En l’espèce, la Cour estime que les allégations du requérant quant à l’exposition à la fumée de tabac sont plausibles et reflètent une situation déjà dénoncée devant elle à l’égard des conditions de détention dans différents établissements pénitentiaires roumains (voir, mutatis mutandis, Florea, précité, § 60 et Elefteriadis, précité, § 49).

21.  Elle constate qu’au moment de son placement en détention provisoire, l’état de santé du requérant était relativement bon et qu’il ne souffrait que d’hypertension artérielle. Cependant, après plusieurs mois de détention, le 8 août 2003, le certificat médical établi à l’issue d’une période d’hospitalisation attestait d’une détérioration des voies respiratoires et mentionnait l’apparition chez lui d’une nouvelle maladie, la bronchite asthmatique (voir, mutatis mutandis, Elefteriadis, précité, § 48). Ce diagnostic a été confirmé par la suite par plusieurs médecins qui ont même décelé une aggravation et ont recommandé d’éviter de respirer l’air pollué (voir les paragraphes 43 et 48 ci-dessus).

22.  Or, lorsqu’une personne est placée sous la responsabilité de l’Etat en bonne santé et que tel n’est plus le cas après un certain temps passé en détention, il incombe à l’Etat de fournir une explication plausible pour cette situation (Dobri c. Roumanie, no 25153/04, §§ 46 et suiv., 14 décembre 2010).

23.  En l’espèce, la Cour constate que non seulement le Gouvernement n’a pas fourni d’explication pour l’apparition et l’aggravation de la bronchique asthmatique chronique, mais il n’a pas indiqué non plus dans quel type de cellules le requérant a été incarcéré, alors que ce dernier s’est plaint au moins à deux reprises d’avoir été contraint de partager la cellule avec des détenus fumeurs (voir paragraphes 35 et 42 ci-dessus et a contrario, Stoine Hristov c. Bulgarie (no 2), (no 36244/02, §§ 43-45, 16 octobre 2008).

24.  En outre, il ressort des éléments fournis par le Gouvernement, que les dispositions de la loi no 349/2002 contre les effets du tabac, en vigueur depuis juin 2002, n’ont pas été mises en place de manière uniforme dans les établissements pénitentiaires.

25.  Qui plus est, la Cour constate que l’exposition à la fumée de tabac a été encore aggravée par le fait que le requérant a été enfermé à plusieurs reprises dans des cellules surpeuplées. Elle rappelle que lorsque la surpopulation carcérale atteint un certain niveau, cet élément suffit, à lui seul, pour conclure à la violation de l’article 3 de la Convention. En règle générale, sont concernés les cas de figure où l’espace personnel accordé à un requérant était inférieur à 3 m² (Kantyrev c. Russie, no 37213/02, §§ 50‑51, 21 juin 2007, Andreï Frolov c. Russie, no 205/02, §§ 47-49, 29 mars 2007, Kadiķis c. Lettonie (no 2), no 62393/00, § 55, 4 mai 2006, et Melnik c. Ukraine, no 72286/01, § 102, 28 mars 2006).

26.  S’agissant des conditions de détention au dépôt de la Direction générale de la police de Bucarest, la Cour note que le CPT a constaté en février 2003, la réalisation d’importants travaux de réparation et d’entretien dans quelques cellules de l’établissement.

27.  Cependant, la Cour constate que le Gouvernement n’a pas précisé si la cellule du requérant faisait partie des cellules rénovées ou quel était l’espace de vie effectif dont il disposait. En effet, il s’est limité à indiquer que le requérant a bénéficié, comme dans les autres établissements de police, de conditions minimales.

28.  Or, lorsque le Gouvernement est le seul à avoir accès aux informations susceptibles de confirmer ou d’infirmer les affirmations du requérant, la Cour a fait application du principe affirmanti incumbit probatio. Dès lors, la Cour estime que les informations fournies par le Gouvernement ne suffisent pas pour écarter purement et simplement les allégations du requérant en matière de mauvaises conditions de détention au dépôt de la Direction générale de la police.

29.  En tout état de cause, selon les données communiquées par le Gouvernement, dans les autres prisons dans lesquelles le requérant a été détenu, il n’a disposé que de 1,82 m2 à 2,55 m2 d’espace personnel à Jilava et de 2,1 m2 à Rahova (voir les paragraphes 85 et 86 ci-dessus).

30.  Or, un tel espace est en deçà de la norme recommandée aux autorités roumaines dans les rapports du CPT (voir le paragraphe 6  3 ci-dessus).

31.  Après avoir examiné tous les éléments qui lui ont été soumis et compte tenu de sa jurisprudence en la matière, la Cour estime que l’Etat, par le biais de ses organes spécialisés, n’a pas déployé tous les efforts nécessaires afin d’assurer au requérant des conditions de détention compatibles avec le respect de la dignité humaine et que les modalités d’exécution de la mesure ne le soumettent pas à une détresse ou à une épreuve d’une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention.

32. Partant, il y a eu violation de l’article 3 de la Convention.

II.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 5 § 1 DE LA CONVENTION

33.  Le requérant se plaint du fait que la prolongation de la détention provisoire le 22 avril 2003 n’a pas été ordonnée « selon les voies légales ». Il invoque l’article 5 § 1 de la Convention, aux termes duquel :

« Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales (…) »

34.  Le requérant estime que la décision du 22 avril 2003 était arbitraire dès lors qu’elle a été prise par un seul juge du tribunal départemental, alors qu’en vertu de la loi no 161/2003, entrée en vigueur le 21 avril 2003, elle aurait dû être prise par une formation de jugement composée de deux juges. Il ajoute que, dans des affaires similaires, la cour d’appel de Bucarest a constaté la nullité de la prolongation et a ordonné la libération des intéressés.

35.  Le Gouvernement conteste cette thèse. Il affirme que l’erreur procédurale quant à la composition de la formation de jugement ne saurait avoir d’incidence sur la légalité du maintien en détention dès lors que le juge s’est livré à un examen des motifs qui militaient pour le maintien du requérant en détention et a dûment motivé sa décision. En outre, il expose que le requérant a eu la possibilité de faire valoir ses arguments dans le cadre du pourvoi qu’il a formé contre cette décision devant la cour d’appel de Bucarest. Enfin, il indique que les affaires citées par le requérant n’étaient pas similaires dès lors que les décisions de prolongation de la détention provisoire annulées par la cour d’appel avaient été rendues par le tribunal départemental plusieurs jours après l’entrée en vigueur de la loi no 161/2003 (voir le paragraphe 53 ci-dessus).

36.  La Cour rappelle qu’une décision de placement en détention doit être considérée comme étant ex facie invalide si le vice y ayant été décelé s’analyse en une « irrégularité grave et manifeste », au sens exceptionnel indiqué dans la jurisprudence de la Cour. En conséquence, sauf dans les cas où ils constituent une irrégularité grave et manifeste, les vices affectant une décision de placement en détention peuvent être purgés par les juridictions d’appel internes dans le cadre d’une procédure de contrôle juridictionnel (Mooren c. Allemagne [GC], no 11364/03, § 75, CEDH 2009‑…).

37.  En l’espèce, il n’est pas contesté que la décision du 22 avril 2003 était entachée d’un vice de procédure. Cependant, la Cour estime que ce vice ne peut pas s’analyser en une « irrégularité grave et manifeste » emportant la nullité de la détention en cause. A cet égard, outre le fait que la décision litigieuse était motivée, la Cour relève que devant la cour d’appel, le requérant a eu la possibilité d’exposer à nouveau les arguments qui militaient en faveur de sa remise en liberté. La cour d’appel qui a examiné dans un délai bref son pourvoi a considéré que les conditions de fond pour justifier la prolongation de la détention étaient remplies et que le vice de forme n’était pas suffisamment grave pour rendre nulle la détention.

38.  Quant à l’argument du requérant tiré de l’existence d’une pratique prétendument divergente au sein de la cour d’appel, la Cour note, à l’instar du Gouvernement, que cette juridiction a annulé plusieurs décisions du tribunal départemental au motif qu’elles avaient été rendues plusieurs jours après l’entrée en vigueur de la loi no 161/2003. Dans la présente affaire, la prolongation de la détention ayant été décidée le lendemain de l’entrée en vigueur de la loi et le jour même de la diffusion du Journal officiel. A cet égard, la Cour estime que les situations n’étaient pas comparables.

39.  Il s’ensuit que ce grief est manifestement mal fondé et doit être rejeté en application de l’article 35 §§ 3 et 4 de la Convention.

III.  SUR LA VIOLATION ALLÉGUÉE DE L’ARTICLE 6 § 2 DE LA CONVENTION

40.  Le requérant se plaint du fait que les autorités internes politiques et judiciaires ont porté atteinte à son droit d’être présumé innocent jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. Il invoque l’article 6 § 2 de la Convention, aux termes duquel :

« Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie. »

B.  Sur le fond

1.  Thèses des parties

41.  Le requérant se plaint du fait que les déclarations du procureur H.M. et des plus hautes autorités de l’Etat, ainsi que la campagne de presse dirigée contre lui sur l’initiative de ces autorités ont porté atteinte au respect de sa présomption d’innocence et ont influencé l’issue du procès.

42.  Le Gouvernement conteste cette thèse. Il affirme que les juges qui ont examiné l’affaire n’ont pas été influencés par la prise de position du procureur et ont rempli leur tâche en respectant toutes les garanties d’un procès équitable.

43.  S’agissant des déclarations des hommes politiques, le Gouvernement soutient qu’elles avaient un caractère général dans le contexte de la lutte contre la corruption et ne visaient pas en particulier le requérant.

44.  Enfin, il estime que la présomption d’innocence d’un inculpé n’empêche pas les autorités d’informer le public sur les enquêtes pénales en cours de déroulement.

2.  Appréciation de la Cour

45.  La Cour rappelle que le principe de la présomption d’innocence consacré par le paragraphe 2 de l’article 6 exige qu’aucun représentant de l’Etat ne déclare qu’une personne est coupable d’une infraction avant que sa culpabilité ait été établie par un tribunal (voir, par exemple, Allenet de Ribemont c. France, arrêt du 10 février 1995, série A no 308, § 36).

46.  Une atteinte à la présomption d’innocence peut émaner non seulement d’un juge ou d’un tribunal mais aussi d’autres autorités publiques, y compris de policiers (ibidem, § 37 et Lavents c. Lettonie, no 58442/00, § 125, 28 novembre 2002) ou de procureurs, surtout lorsque ces derniers exercent des fonctions quasi-judiciaires et contrôlent le déroulement de l’enquête (voir, Daktaras c. Lituanie, no 42095/98, § 42, CEDH 2000‑X). Elle se trouve atteinte par des déclarations ou des actes qui reflètent le sentiment que la personne est coupable et qui incitent le public à croire en sa culpabilité ou qui préjugent de l’appréciation des faits par le juge compétent (voir, Y.B. et autres c. Turquie, nos 48173/99 et 48319/99, § 50, 28 octobre 2004).

47.  En l’espèce, s’agissant des propos émanant de divers hommes politiques, la Cour estime qu’il convient de les situer dans le contexte de la lutte contre la corruption, un sujet de préoccupation pour l’ensemble de la société roumaine. Tels qu’ils ressortent des articles de presse fournis par le requérant, la Cour considère qu’ils étaient de nature politique et ne préjugeaient pas de l’appréciation des faits par les juges compétents (voir, mutatis mutandis, Viorel Burzo c. Roumanie, nos 75109/01 et 12639/02, § 164, 30 juin 2009).

48. Quant à l’écho que l’affaire a eu dans la presse, la Cour considère qu’il est inévitable, dans une société démocratique, que des commentaires parfois sévères soient faits par les journalistes sur une affaire sensible qui, comme celle du requérant, mettait en cause la moralité de hauts fonctionnaires (mutatis mutandis, Y.B. et autres, précité, § 48).

49.  Cependant, si les autorités nationales ne sauraient être tenues pour responsables des actes de la presse, la Cour souligne encore une fois l’importance du choix des termes employés par les agents de l’Etat et surtout par les autorités judicaires qui contrôlent le déroulement de l’enquête (voir, Daktaras, précité, § 44).

50.  En l’espèce, la Cour note qu’en informant les journalistes du placement du requérant en détention provisoire, le procureur H.M. a affirmé que toutes les preuves convergeaient vers l’établissement avec certitude de la culpabilité du requérant et que sa condamnation était inéluctable dès lors que « rien ni personne ne peut plus le sauver de la responsabilité pénale ».

51. La Cour note que ces informations ont été portées à la connaissance de la presse dans un contexte indépendant de la procédure pénale elle-même ou par le biais d’une décision motivée. Eu égard à la teneur et au contexte de ces propos, la Cour conclut qu’ils indiquaient clairement que le requérant s’était rendu coupable de corruption, encourageaient le public à croire en sa culpabilité et préjugeaient de l’appréciation des faits par les juges compétents (voir, mutatis mutandis, Samoilă et Cionca c. Roumanie, no 33065/03, § 95, 4 mars 2008).

52.  Dès lors, la Cour estime que les déclarations faites par le procureur H.M. ont porté atteinte à la présomption d’innocence du requérant.

53.  Partant, il y a eu violation de l’article 6 § 2 de la Convention.

IV.  SUR L’APPLICATION DE L’ARTICLE 41 DE LA CONVENTION

B.  Frais et dépens

54.  Selon la jurisprudence de la Cour, un requérant ne peut obtenir le remboursement de ses frais et dépens que dans la mesure où se trouvent établis leur réalité, leur nécessité et le caractère raisonnable de leur taux. En l’espèce et compte tenu des documents en sa possession et de sa jurisprudence, la Cour estime raisonnable la somme de 1 800 EUR pour la procédure devant la Cour et l’accorde au requérant.

C.  Intérêts moratoires

55.  La Cour juge approprié de calquer le taux des intérêts moratoires sur le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne majoré de trois points de pourcentage.

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

1.  Déclare la requête recevable quant aux griefs tirés des articles 3 de la Convention s’agissant des conditions de détention et 6 § 2 de la Convention quant au respect de la présomption d’innocence et irrecevable pour le surplus ;

2.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 3 de la Convention ;

3.  Dit qu’il y a eu violation de l’article 6 § 2 de la Convention ;

4.  Dit

a)  que l’Etat défendeur doit verser au requérant, dans les trois mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu définitif conformément à l’article 44 § 2 de la Convention, 10 000 EUR (dix mille euros) pour dommage moral et 1 800 EUR (mille huit cents euros) pour les frais et dépens, à convertir dans la monnaie de l’Etat défendeur au taux applicable à la date du règlement, plus tout montant pouvant être dû à titre d’impôt ;

b)  qu’à compter de l’expiration dudit délai et jusqu’au versement, ces montants seront à majorer d’un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ;

5.  Rejette la demande de satisfaction équitable pour le surplus.

Fait en français, puis communiqué par écrit le 18 octobre 2011, en application de l’article 77 §§ 2 et 3 du règlement.

CEDH, TROISIÈME SECTION, AFFAIRE PAVALACHE c. ROUMANIE, (Requête no 38746/03), ARRÊT, 18 octobre 2011

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